La bibliothèque des arts décoratifs présente l’exposition » La chine des ornemanistes: gravures de chinoiserie » jusqu’au 31 juillet 2014
L‘exposition vous invite à découvrir la Chine fantaisiste et fantasmée, inventée et gravée par les ornemanistes français du 18ème siècle. D’Antoine Watteau à Jean Pillement, les artistes créèrent avec la chinoiserie une des formes les plus originales de l’art du siècle des Lumières. Au début du 18ème siècle, en réaction aux lourdeurs du grand style du siècle précédent, les artistes s’affranchirent des modèles rigides aux significations codées, grâce à l’assimilation et la réappropriation des motifs chinois. La légèreté et la fantaisie de cette Asie recomposée étaient parfaitement adaptées à la société hédoniste qui s’établit en France à partir de la Régence et durant le règne de Louis XV.
Cantonnée aux arts décoratifs, aux pièces intimes et aux pavillons ornementaux, la chinoiserie ne fut pas entravée par les règles de la convenance. Elle put rester le lieu du plaisir et du rêve. La Chinoiserie fut L’un des éléments Les plus originaux de l’ornement Rococo .
Les sources d’inspiration et Le Contexte d’apparition des Chinoiseries
Malgré des échanges commerciaux ininterrompus entre l’Europe et la chine depuis l’antiquité, l’extrême- Orient est resté mal connu en Occident jusqu’au 17ème siècle, ou alors par des récits plus inventifs que véridiques. Au 17ème siècle, avec l’installation des jésuites en Chine et l’établissement des différentes compagnies commerciales en direction de l’Asie, de nombreux livres témoignages sont publiés.
Les ornemanistes trouvèrent leurs source d’inspiration dans ces livres ainsi que dans les collections de porcelaines, laques et textiles, des imprimés diffusèrent les motifs chinois et asiatiques.
Les Collections
Si la Chine fait rêver l’Europe depuis le retour de Marco Polo, et que les premières porcelaines sont arrivées en Occident à la fin du 14ème siècle, c’est seulement dans la 2e moitié du 17ème siècle que les premières collections de chinoiseries sont constituées dans les cours princières, en conséquence de l’intérêt réveillé par les récits de voyages des missionnaires et par l’activité des compagnies des Indes qui importaient en nombre des porcelaines et des laques de Chine mais aussi du Japon.
L’une des plus célèbres collections appartenait à la reine Mary d’Angleterre, épouse de Guillaume II d’Orange-Nassau. Elle comportait 787 pièces exposées dans ses appartements des Palais de Kensington et Hampton Court, dont la gravure de cabinet chinois de Daniel Marot représente probablement la Water Gallery.
A berlin, la collection de sophie-charlottes, comprenait 418 porcelaines de Chine et du Japon et 91 faïence européennes. Dans leur château de Charlottenburg, le cabinet de curiosité est le point culminant de l’enfilade des grands appartements. Les deux estampes gravées d’après les dessins de l’architecte Johann Friedrich Eosander von Göthe, montrent la somptuosité de son installation, dont les boiseries dorées mettent en valeur l’éclat des porcelaines bleues et blanches.
En France, le roi et sa famille avaient eux aussi constitués des collections de chinoiseries. En 1733 est publié le recueil de desseins chinois de jean Antoine Fraisse, responsable de la manufacture d’indiennes du duc de Bourbon, prince de Condé, cousin du Roi Louis XIV, exilé dans son château de Chantilly. Il y avait amassé une collection de porcelaines, de meubles en laque et d’indiennes. Les estampes servirent de modèles aux trois manufactures qu’il avait fondées dans son parc.
En 1684 et 1686, Louis XIV reçoit les ambassadeurs de roi de Siam. Le nombre, la diversité et la magnificence des fastueux cadeaux apportés à la cour de France porcelaines et étoffes, lancèrent la vogue des chinoiseries en France.
Les peintres ornemanistes
De façon curieuse, la chinoiserie rococo, pourtant cantonnée aux arts mineurs, a été la création de deux des plus grands peintres du 18e siècle : Antoine Watteau et François Boucher
antoine Watteau
Le premier décor de chinoiserie peint en France fut celui qu’Antoine Watteau exécuta entre 1708 et 1710 au château de la Muette pour Fleuriau d’Armenonville, amateur d’objets d’Extrême-Orient. Ce décor servit de modèle aux séries d’estampes gravées en 1731 entre autres par François Boucher pour le recueil Julienne, qui font
partie des collections de la bibliothèque. Les deux séries des diverses figures chinoises… représentent des personnages propres à l’œuvre de Watteau : la joueuse de guitare, le joueur de flûte… portant des costumes se voulant chinois et évoluant dans l’atmosphère doucement mélancolique particulière à ce peintre.
François Boucher
Le principal d’entre eux fut François Boucher, considéré comme le grand peintre des chinoiseries. D’après les frères Goncourt, il « fit de la Chine une des provinces du Rococo ». Entre 1740 et 1748 il publia de nombreuses séries de gravures sur ce thème et dessina en 1742 les modèles de la deuxième Tenture chinoise pour la manufacture de tapisseries de Beauvais, dont un exemplaire fut offert à l’empereur Kian Long, qui fit construire un pavillon pour l’exposer. Les chinoiseries de Boucher, comme celles de Watteau, restent fidèles à son œuvre et observent les codes de son univers. Ses scènes gracieuses sont des tableaux et non des modèles d’ornements.
Les gravures des Scènes de la vie chinoise ont cependant été parmi les plus copiées pour décorer les supports les plus divers : étoffes, papiers-peints, céramiques, mobilier, petits objets, boiseries de cabinets, et cela dans tous les pays européens. Le thème d’une de ces scènes, La partie de pêche, représentation d’un moment flottant au fil de l’eau, fut celui des motifs préférés des créateurs de chinoiserie.
Les ornemanistes
Même si les gravures de chinoiseries d’après Watteau ou Boucher sont les plus connues, le plus grand nombre d’entre elles fût inventée par des ornemanistes.
Gabriel huquier fut le graveur des séries de chinoiserie de Boucher, mais aussi le plus grand éditeur de gravures d’ornement du 18ème siècle, publiant les principaux ornemanistes de ce style : Watteau, Boucher, Peyrotte, Bellay…Collectionneur de chinoiseries, qui servirent parfois de modèles à Boucher, il fut aussi le dessinateur d’estampes de ce genre.
On connaît très peu de choses sur le sculpteur d’ornements bellay. Ses Premier [et second] livre de panneaux et fantaisies propre à ceux qui aiment les ornements furent gravés et édités par Huquier en 1737. Il réussit à donner aux panneaux de boiseries qu’il inventait une légèreté irréelle. Ce n’étaient plus seulement des cadres autour d’un décor mais des éléments intrinsèques de ce dernier, devenant le premier plan du paysage s’ouvrant devant le spectateur. Ce principe d’enjambement, d’imbrication des plans, que le style rococo avait hérité des arabesques et des grotesques, est aussi une caractéristique de l’art asiatique.
L’orfèvre ciseleur françois-thomas Mondon, émule de Jacques de Lajoüe, un des maîtres du style Rocaille, publia entre 1736 et 1749 neufs livres d’estampes gravés par Antoine Aveline. Celles exposées appartiennent au Quatrième livre de formes ornées de rocailles cartels figures oyseaux et dragons chinois, et au Cinquième livre de figures et ornements chinois. De la même manière que pour Bellay, les modèles qu’il crée ont un style très influencé par son métier d’origine.
L’ornemaniste alexis Peyrotte se spécialisa dans les projets de décoration intérieure et participa à plusieurs chantiers de châteaux royaux dont Versailles, Choisy et Fontainebleau où il collabora avec Boucher. Il publia de nombreuses séries d’estampes d’ornement dont des chinoiseries dans les années 1740. La très belle estampe représentant un dragon est une parfaite illustration de ce style comme synthèse d’éléments asiatiques (le dragon), rococo (la coquille) et classiques (la feuille d’acanthe).
Le voyage des modèles
Les modèles créés en France voyagèrent dans toute l’Europe. Soit directement par le biais des exportations d’estampes via les réseaux des éditeurs, soit de façon détournée, via les copies, autorisées ou non. Peyrotte fut ainsi copié en Angleterre par Vivares et ses gravures servirent de modèles au papier dominoté doré, gravé par Johann Carl Munck à Augsbourg, dont la bibliothèque conserve un splendide exemplaire.
La diffusion des modèles de chinoiserie fut aussi le fait d’ornemanistes voyageurs. Le meilleur exemple de ceux-ci fut Jean Pillement, qui parcourut toute l’Europe dans la 2e moitié du 18e siècle. Car la vogue des chinoiseries rococo n’eut pas lieu partout simultanément : elle commença au début du 18e siècle pour durer jusque vers 1770 en France et en Allemagne ; se situa entre 1750 et 1780 en Angleterre ; et plus tard dans le siècle en Espagne et en Italie.
Jean Pillement
Il publie sa première série de modèles de chinoiseries en 1755 en Angleterre. Intitulée A new book of chinese ornaments, elle fut rééditée dès 1757. En 1760 il participe au Lady ‘s amusement , compilation de 1500 dessins donnant des modèles de laque, loisir très à la mode parmi les femmes de la bonne société anglaise. L’influence de François Boucher sur Jean Pillement est sensible dans les estampes de cette première période.
Les séries des Allégories des douze mois de l’année et des Familles chinoises peuvent être vues comme un hommage à son grand prédécesseur. Mais à la différence de celles de Boucher, les scènes dessinées par Pillement sont encadrées par des éléments de décor, formant des îlots, comme si elles intégraient un encadrement de boiseries. Ses estampes de chinoiseries furent parmi les principaux modèles des toiles imprimées à partir de 1759 par Oberkampf dans sa manufacture de Jouy-en-Josas.
Maintes fois réédités, les modèles de pillement, notamment ceux des séries » jeux d’enfants chinois et livre de chinois », sont devenus de grands classiques. ils furent utilisés comme source d’inspiration pour les textiles, mais aussi pour les papiers peints ainsi qu’en céramique, ou ils sont devenus un genre, les motifs « à la pillement ».
En savoir plus:
Consulter le site de la bibliothèque des arts décoratifs , 111 rue de Rivoli 75001 Paris
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