Les pots de pharmacie sont aussi anciens que l’art de guérir. On en a fait de toutes sortes de substances. En effet au Moyen Age, on employait la corne, le plomb, le grès ou le bois pour conserver les préparations. Les vases d’argiles, dont l’invention remonte à la plus haute antiquité, ont été employés, concurremment avec ceux d’étain, pour la conservation de la plupart des médicaments .
Dès le XIe siècle, ces produits de grande consommation se développèrent parallèlement aux sciences médicales des pays d’Islam jusqu’à la fin du XIIIe siècle et accompagnèrent les débuts de la médecine occidentale.
Les échanges commerciaux par voies maritimes qui se multiplièrent, la découverte de nouveaux produits (épices, canne à sucre, lapis-lazuli…) favorisèrent la production de contenants pour les pharmacies, fabriqués dans un nouveau matériau, la faïence, Ces pots de pharmacie sont en faïence car c’est le matériau qui procure une bonne conservation des remèdes grâce à sa couverte d’émail stannifère assurant une parfaite étanchéité et une bonne opacité.
. Entre le XIIIe et le XVe siècle, la Syrie, l’Égypte et l’Espagne musulmane fournirent notamment les hôpitaux italiens en s’inspirant également des objets chinois en porcelaine dont ils cherchaient à rendre l’aspect blanc et bleu. A partir de la fin du XVe siècle, avec le développement local de la faïence, les villes potières italiennes, puis françaises reçurent des commandes importantes.
Les deux fonctions des pots à pharmacie sont le conditionnement des épices et des denrées destinées aux apothicaires, puis les stocker et les conserver sur les rayonnages.
Certaines de ces formes pouvaient correspondre à des contenants précis comme l’albarello, la chevrette, la bouteille et le pot de « monstre ». Quasiment inchangées, ces formes seront fabriquées jusqu’au XIXe siècle dans de nouveaux matériaux plus hygiéniques, la porcelaine et le verre, puis disparaîtront lors de la transformation radicale des techniques pharmaceutiques au début du XXe siècle.
Les pots d’apothicaire
l’Albarello ;
pot cylindrique à parois concaves permettant une meilleure prise en main ; il présente à sa partie supérieure un bourrelet destiné à la ligature d’une peau de mouton ou d’un parchemin destiné à clore le récipient à large ouverture. Le corps du vase a un cintrage plus ou moins prononcé. Importé de Perse et de Syrie, son nom vient du persan « el barani » qui signifie vase destiné à recevoir une drogue. Il est la première forme de pot à pharmacie et est adopté par tous les fabricants. L’albarello renferme des préparations de consistance solide ou pâteuse : baumes, onguents, cérats, électuaires, opiats.
La chevrette:
pour les sirops, les miels et les huiles; la chevrette est une espèce de vase oblong à large ouverture, de faïence ou de porcelaine, lequel « d’un côté porte une poignée, et de l’autre, un bec saillant que l’on a comparé à la corne d’un chevreuil; ce qui lui a donné son nom.
La bouteille:
pour les eaux distillées
La cruche:
pour les sirops et les eaux distillées;Les cruches étaient employées dans les grands hopitaux, non seulement pour la garde des euax distillées, mais encore pour celle des sirops qui étaient le plus ordonnés par les médecins. Contrairement à la chevrette, la cruche était commune aux apothicaires et aux épiciers; mais ceux-ci n’y logeaient que leurs huiles.
Le Vase:
couvert et évasé comme son nom l’indique.
La Jarre :
ressemble à un pot à eau ayant une anse. Elle est destinée aux huiles douces et aux eaux distillées.
le pot à canon:
pour les onguents, les opiats, les confections, les électuaires, les baumes, etc. Pot cylindrique, sur un pied évoluant progressivement vers le piédouche (petit support mouluré), il présente un étranglement qui permet de le saisir ; il est destiné aux onguents (pommade), opiats, baumes, camphres, farine de moutarde, électuaire (mélange de miel et de poudre) et robs (sucs de fruits cuits et épaissis).
le pilulier:
pour les pilules. modèle réduit du pot canon, il est destiné aux pilules, sels et onguents.
le vase à thériaque ou encore Vase de monstre:
C’est le plus majestueux et le plus volumineux des pots d’apothicaire puisqu’il peut atteindre 90 cm de hauteur et 180 cm de circonférence . Ces vases, destinées aux quatre grandes compositions galéniques (thériaque, mithridate, confections d’alkermès et d’hyacinthe) et à quelques autres préparations très populaires, telles que l »orviétan, l’opiat de Salomon, etc.
La décoration des Pots de Pharmacie
Quelque soit leur forme ou leur contenu, tous ces pots de faïence d’un blanc laiteux possèdent une décoration riche et variée de couleur bleu ou prédominent souvent les motifs floraux : guirlandes de feuillages et de fleurs.. Ils présentent très souvent un cartouche orné réservé à l’inscription du nom du remède: Onguent de Rose, Sirop d’Absinthe, Huile de Lombric…
En lettres gothiques ou romaines, ces inscriptions en latin sont difficiles à déchiffrer en raison d’abréviations incorrectes ou sibyllines et de transcriptions erronées émanant parfois des céramistes.
Certains vases sont décorés non seulement d’inscriptions mais encore d’armoiries de familles nobles ou d’ordre religieux, de chiffres et d’attributs qui en indiquent la provenance. Le décor de ces pots est plus sobre et présente des motifs associés à l’art médical ou pharmaceutique tels que le caducée, la coupe d’Hygie ou des portraits de médecins illustres.
Au début du 19ème siècle, le décor polychrome utilisera très fréquemment le motif symbolisant les trois règnes de la nature (minéral, végétal et animal) dans lesquels la pharmacopée puise ses remèdes. Il s’agit classiquement d’un palmier planté sur un sol rocheux et autour duquel s’enroule le serpent.
Dans la seconde moitié du 19ème siècle on voit apparaître un décor très simple consistant en de simples filets noirs ou dorés encadrant le nom du médicament et qui préfigure l’étiquette qui sera apposée ensuite sur les bocaux de pharmacie en verre.