Notre dessin présente une femme dépouillée, tête abandonée et longs cheveux dénoués, enlaçant la Croix, bras grands ouverts dont le droit enveloppe tendrement un crâne. Ces attributs s’apparentent à ceux de l’iconographie de la Madeleine pénitente. Toutefois, la tête à l’arrière, la présence d’éléments funèbres et, enfin, la comparaison avec d’autres dessins, nous permettent d’identifier plutôt la passion de Marie Madeleine. Le dessin montre un arrière-plan sobre ; le décor est constitué d’une grotte d’où l’on voit une roche avec un drap qui pourrait s’apparenter à un tombeau sur lequel est posé un vase, qui pourrait être une urne funéraire.
Les caractéristiques de ces éléments, de la croix, ainsi que le ton de la scène, se rapprochent du style néoclassique italien. Le dessin pourrait donc être daté de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Toutefois, la comparaison avec des dessins ayant un sujet similaire nous permettrait plutôt de le rapprocher stylistiquement d’œuvres plus anciennes, réalisées entre la fin du XVIIème siècle et les premières décennies du siècle suivant. Le caractère arrondi des feuilles des arbres se rapproche du style de l’école vénitienne. De la même façon, les formes arrondies du drapé et la douceur du corps féminin renvoient plutôt vers cette école régionale ou celles liées à la ville lagunaire, comme celle de Bologne. En effet, les formes du ventre et les traits qui définissent le genou se retrouvent dans des exemples de ces régions.
L’analyse de l’emploi du lavis gris le rattache également au nord de l’Italie, dû à une main ayant su nuancer avec fluidité ombres et lumière, conférant à la feuille un caractère à la fois tragique et doux, dramatique et sensuel.
“Car elle a beaucoup aimé. Le mot beaucoup dit ce corps perdu qui se jette dans les bras de celui qui l’aimera peut-être. Il raconte cette femme qui se livre à qui veut (…) et dont l’échec ressemble à celui du Verbe fait chair : car lui aussi, le Fils de Dieu, s’est donné à corps perdu, s’est passionément livré aux hommes, sans rencontrer jamais de bras qui fussent aussi ouverts que les siens propres. Au contraire : on s’est défoulé sur lui, on l’a deshabillé, on en a pris sa part, on l’a abandoné comme on laisse la femme trompée. Cela s’appelle “la Passion.”