(1798-1860)
Vue prise à Bagatelle
Etude à l'huile sur sa toile d'origine
H. 19 cm ; L. 24,5 cm
Annotée à l'encre sur le châssis : Vue prise à Bagatelle (M. Coignet)
Vers 1830
Jules Coignet entre dans l'atelier de Jean-Victor Bertin vers 1819. Cependant, il se détache vite du paysage historique pratiqué par son maître et peint des vues de nature d'après le motif ; avant l'école de Barbizon, il sera ainsi l'un des premiers à peindre dans la forêt de Fontainebleau. Après avoir tenté sans succès de concourir au Grand Prix de Rome du paysage historique, il séjourne quelques années en Italie et en Sicile, et envoie des vues au Salon dès 1824. Ce sera le début d'une longue série de voyages qui l'amèneront dans toutes les régions de France, mais aussi en Egypte, en Syrie, en Asie Mineure, dans le Tyrol et à nouveau en Italie entre 1840 et 1843. De ses voyages, il rapportera de quoi publier plusieurs recueils de lithographies. il consacrera aussi deux albums illustrés à la technique du paysage d'après nature, qu'il enseignait à de nombreux élèves.
Alors qu'il fut l'un des paysagistes les plus reconnus de son époque, Jules Coignet fut critiqué après sa mort, les " modernes " ne le voyant que comme un pâle émule de Corot. Il a été réhabilité récemment grâce à des expositions telles que Paysages d'Italie (Grand Palais, 2001). Il est maintenant réinscrit dans le courant d'artistes précurseurs qui, de Pierre-Henri de Valenciennes à Camille Corot, ont pratiqué la peinture de plein air bien avant l'impressionnisme, développant une approche plus directe du paysage : " Il montre la nature telle qu'elle est, écrit Vincent Pomarède, de manière contemporaine, fondant la pureté de son art sur une grande liberté de touche, associée à une rigueur sans concession. " (catalogue Paysages d'Italie, page 169). Malgré sa présence dans de nombreux musées, une grande partie de son oeuvre reste cependant à découvrir.
Enlevée d'un pinceau léger, employant des jus évoquant l'aquarelle, notre vue de Bagatelle témoigne d'une grande audace de composition. L'architecture du château n'est pas célébrée, comme dans les vedute classiques, mais seulement suggérée par l'apparition d'une colonne sur la droite, dont un simple réverbère redouble la verticalité. Sommairement décrites, les célèbres sphinges de la terrasse sont modelées par les dernières lueurs d'un soleil couchant qui embrase le ciel au-dessus de la masse noire du Mont Valérien. Le chromatisme mauve-orange est insolite dans un paysagisme français se dégageant à peine de Poussin. D'une vue délibérément dépourvue d'emphase, l'artiste tire une image qui anticipe sur la photographie moderne.