Célestin Nanteuil (1813-1873) - Le Chute De La Royauté

Célestin Nanteuil (1813-1873) - Le Chute De La Royauté
Dessin à la pierre noire avec rehauts de gouache sur papier bleu
32 x 23 cm
Signé en bas à droite
Légères oxydations orangées de la gouache
Baguette dorée du XIXe siècle (rapportée)


Provenance :

- D’un ensemble de dessins et de lithographies de Célestin Nanteuil présentés par la galerie Laura Pêcheur au début des années 2000.

Né de parents français au service de Joseph Bonaparte, frère d’un prix de Rome de sculpture, Célestin Nanteuil entre dès l’âge de quatorze ans à l’Ecole des Beaux-Arts. Il reçoit d’abord l’enseignement de Langlois, puis celui d’Ingres. Dans l’atelier du sculpteur Jehan du Seigneur, il rencontre Alexandre Dumas, Victor Hugo, - dont il deviendra l’ami intime et l’un des meilleurs illustrateurs -, ainsi que Théophile Gautier qui verra en lui « l’un de ces longs anges thuriféraires qui habitent les pignons des cathédrales ». Figure de la vie romantique, il participe à la bataille d’Hernani, tombe désespérément amoureux de Marie Dorval et dessine les décors du célèbre bal donné par Alexandre Dumas en 1833. Graveur plus que peintre, usant tant de l’eau-forte que de la lithographie, il est sollicité pour illustrer quantité d’ouvrages et laisse un oeuvre gravé considérable. Pour des éditions telles que les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France du baron Taylor, il compose des encadrements de pages qui ressemblent à des tabernacles gothiques flamboyants, incrustés de nombreuses vignettes à scènes médiévales. « Usant avec une maîtrise déconcertante d’une technique réputée difficile, écrit Sylvain Boyer, il réalise, dans ces oeuvres apparemment modestes, l’une des expressions plastiques les plus accomplies du romantisme de 1830. * » Nanteuil, cependant, n’arrivera pas à s’adapter à l’évolution des modes et par besoin d’argent, il acceptera d’occuper les postes de directeur de l’académie des beaux-arts, puis conservateur du musée de Dijon.

Aucune gravure correspondant à notre étonnant dessin n’est répertoriée dans le fonds Nanteuil de la BNF. Il est donc difficile, en l’état actuel de nos connaissances, de lui attribuer une signification précise ou de le rattacher à une oeuvre littéraire. Selon un mode de composition caractéristique de l’artiste, plusieurs scènes s’imbriquent habilement dans la même image. Sur la partie haute, des bûcherons en tenue moderne scient un segment de tronc d’arbre. Assis sur le reste de l'arbre tombé à terre, des jeunes gens désignent (ou évoquent entre eux) un roi en costume du Moyen Age qui passe fièrement à cheval. Les lys de sa couronne et de son blason le désignent comme un roi de France. Sur la partie basse, le même roi est maintenant tombé dans une fosse et son visage géant, coincé entre des rochers, hurle de désespoir. Quelques symboles féodaux, sombre forteresse et éléments d’armure épars, sont suggérés çà et là. L’arbre tombé, débité par les bûcherons, semble une métaphore de la chute de la monarchie française et du régime féodal. La gravure projetée aurait-elle été conçue pendant la révolution de 1848 ? Elle manifeste en tout cas une extraordinaire puissance expressive qui tient largement à la figure hurlante du roi déchu - laquelle ressemble involontairement à celle du Saturne dévorant ses enfants de Goya.