« Pinceau voué aux splendeurs du catholicisme, aux gloires de la Divinité, dévoré, comme son divin maître, de l’ardent amour de l’humanité »1Camille-Auguste Gastine, élève d’Auguste Hesse, de Paul Delaroche et d’Édouard Picot, présenta régulièrement des tableaux religieux au Salon à partir de 1844 et s’illustra durant l’Exposition universelle de 18552.« C’est dans l’atelier de M. Auguste Hesse, son maître et plus tard son ami, qu’il avait puisé cet amour profond pour la forme la plus élevée de son art. ». Doté d’un tempérament timide et manquant de confiance en lui, l’artiste se fera peu connaître et préfèrera tout au long de sa carrière seconder des peintres plus en vue, rendant ainsi ses œuvres peintes difficiles d’accès car souvent dissimulées sous le nom d’un autre artiste ou non localisables en collections privées. La peinture décorative d’hôtels particuliers3, souvent détruits de nos jours, ainsi que la création de cartons de vitraux, lui permettent de pratiquer son art tout en restant dans l’ombre, ce qui opacifie encore la vision globale de sa production artistique. Il collabore donc régulièrement à des chantiers décoratifs dirigés par Hippolyte Flandrin pour les fresques de l’église Saint-Germain-des-Prés, Sébastien Cornu dans la chapelle de l’Élysée, Alexandre Hesse à Notre-Dame-de-Lorette ou encore Savinien Petit dans la chapelle de l’Hôtel de Broglie à Paris ou dans l’église Saint-André de Bordeaux.
C’est grâce à son infatigable crayon que nous est parvenu le témoignage de son œuvre peinte, via les somptueuses et nombreuses feuilles préparatoires dans lesquelles « le goût, le sentiment, l’habileté non moins que la grâce, la grandeur ou l’expression, éclatent dans la plupart de ses dessins. » Si une majeure partie reste encore conservée auprès de ses héritiers, ils commencent à être distillés sur le marché de l’art depuis la première vente d’atelier en 18694.
Sur un papier bleu-gris se détache notre délicate étude de femme orante. D’un trait raffiné, abouti et précis, le crayon de Gastine offre ici à notre regard tous les détails du visage, des mains jointes et des plis du drapé de cette chaste figure. Bien que Gastine ne puisse être compté parmi les élèves d’Ingres, il n’en subit pas moins son influence, en particulier dans ses dessins qui adoptent une pureté de forme et une simplicité tout ingresque. Notre feuille est à relier avec les deux autres dessins à la sanguine de la même jeune femme (une sainte ?), conservés au Musée de Grenoble5 (ill.1) et au Minneapolis Institute of Art6 (ill.2) où l’artiste accentue son étude de la lumière et des ombres sur les étoffes pour mieux en sculpter les volumes. Cette étude n’a pu, pour l’instant, être mise en relation avec aucune peinture décorative ou projet de vitrail, car ce travail d’identification reste à faire pour l’ensemble de sa production graphique.
Ill.1. Camille–Auguste GASTINE, Femme à genoux en prière, XIXe siècle, Sanguine, rehauts de craie blanche sur papier vélin beige, 37,8 x 27,8 cm. INSC.H.DR. : à la sanguine : “900”. Attribution Valérie Lagier, 2015, Musée de Grenoble, Inv. : MG D 2605.
Ill.2. Camille–Auguste GASTINE, Study of a Female Figure Praying, Kneeling on Left Knee, 19th century, Red chalk on blue paper, 11 3/8 x 8 1/4 in. (28.9 x 21 cm), Minneapolis Institute of Art, Inv. 2003.82.
Notes 1. Toutes les citations en italique sont extraites de l’ouvrage A. G., Notice sur Gastine (Camille-Auguste), artiste peintre mort le 3 avril 1867, Paris, 1867. 2. Le tableau qu’il envoie à l’Exposition universelle, Sainte Catherine d’Alexandrie, est aujourd’hui conservé au musée des Beaux-Arts d’Orléans. 3. Parmi lesquels on compte la Maison de Diomède, avenue Montaigne, l’Hôtel Granger et l’Hôtel du duc Galliera 4. Catalogue des tableaux, dessins, aquarelles de Camille-Auguste Gastine[…], Hôtel Drouot, […], Paris, 1868. La vente s’est déroulée les 5 et 6 janvier 1869. 5. Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3550, n°965) Inv. MG D 2605 6. Gift of Molly Klobe in memory of Winton Jones, Inv. 2003.82