Des eaux froides de la Baltique à la baie de l’Hudson en passant par les côtes des Indes orientales, les navires néerlandais étaient partout. Transportant tout ce que l’Occident ne savait produire, les marins des Provinces-Unies concoururent à la modernité en permettant l’essor du commerce mondial. Fiers de leurs talents de navigateurs, les Hollandais eurent à cœur de célébrer cette primauté dans les arts, ce que fait ici notre artiste.
Sous un ciel crépusculaire qui parait s’embraser, quatre navires luttent contre les éléments, celui du centre captant immédiatement notre regard par le faisceau lumineux qui l’éclaire. Les équipages s’évertuent à maintenir à flot leurs embarcations en baissant leurs voiles. La houle a fait se lever les vagues dont les crêtes blanches viennent s’écraser contre les coques. En arrière-plan est esquissé le village de Hoorn, voisin du port d’Enkhuizen dont nous apercevons la flèche de sa cathédrale gothique, Sint-Pancraskerk.
Aujourd’hui méconnu, le port d’Enkhuizen était très actif durant le Siècle d’Or, il était le port de commerce préféré de la Compagnie des Indes Orientales. L’ensablement progressif de son fond et la guerre contre l’Angleterre lui feront perdre sa prééminence au profit d’Amsterdam. A cet égard, Hosftede de Groot répertorie six compositions originales de Ludolf Backhuysen ayant pour cadre les environs d’Enkhuizen, signe de l’intérêt de l’artiste pour cet environnement particulier. Parmi celles-ci, une composition originale datée de 1680, actuellement conservée au musée de Schwerin, a servi de modèle pour ce tableau. Au-delà de quelques menues variations de détails, les deux compositions sont très semblables dans leur exécution, indiquant vraisemblablement une réplique d’atelier. Stylistiquement, cette œuvre montre la capacité de Backhuysen à saisir le momentum d’une scène. La tension dramatique est formalisée par de puissants contrastes lumineux et des jeux de couleurs franches. Sa touche, plus vigoureuse que celle de son contemporain Willem van de Velde le Jeune, lui permet de matérialiser l’agitation de la mer. Ces qualités lui vaudront d’être célébré comme l’un des plus grands peintres de marine, Houbraken racontant ainsi que lorsque la tempête menaçait, Backhuysen décidait régulièrement de voguer « vers le cœur de la mer, de façon à observer le fracas des eaux sur la côte et les changements météorologiques ».
Notre composition est soulignée par un puissant cadre à casseta en bois noirci du XVIIe siècle.
Dimensions : 79 x 116 cm la vue – 108 x 143 cm avec le cadre
Vendu avec facture et certificat d'expertise.
Provenance:
- Collection J. Vay-Dias; Christie's Londres, 22 April 1932, lot 113, comme 'Bakhuysen'.
- Collection privée hollandaise
Biographie : Ludolf Backhuysen (Emden 1631 – Amsterdam 1708) est un des plus importants peintres de marine du Siècle d’Or. Pourtant, rien ne le destinait à une telle carrière. En effet, garçon, il travaille avec son père comme clerc au Conseil de la ville d’Emden et comme comptable à la guilde des marchands. Il émigre à Amsterdam en 1649 où il fait profession de calligraphe. Le jeune Backhuysen commence alors à dessiner et à peindre des grisailles de navires, s’inspirant des dessins à l’encre de Willem van de Velde l’Ancien. Enregistré auprès des corporations amstellodamoises en tant que calligraphe et dessinateur, il ne commence la peinture à l’huile qu’en 1658, apprenant ce médium auprès de Allaert van Everdingen (1621 – 1675) et Hendrik Dubbels (1620 – 1676). Il finit par s’enregistrer auprès de la guilde des peintres d’Amsterdam en 1664, date à partir de laquelle son succès va aller grandissant. Signe de l’intérêt qu’il suscite, le bourgmestre d’Amsterdam lui commande en 1665 une Vue d’Amsterdam et de l’Ij (Paris, Louvre) afin de servir de cadeau diplomatique à destination du ministre de Louis XIV, Hugues de Lionne. Le départ de la famille van de Velde pour l’Angleterre en 1672 le laisse principal maître de la peinture de marine en Hollande. Houbraken raconte même que le Tsar de toutes les Russies, Pierre le Grand, lui rendit visite dans son atelier.
Bibliographie :