Georges-antoine Rochegrosse (1859-1938)

Georges-Antoine ROCHEGROSSE (Versailles, 1859 – El Biar, Algérie, 1938)
L’Atelier de Paris - Rue de Douai 65
Huile sur panneau
26,5 x 35 cm
Signé G.M. Rochegrosse en bas à gauche avec le titre et une dédicace « A Petit Antoinette »
Après 1920

Bibliographie :

Laurent Houssais, Georges-Antoine Rochegrosse – Les fastes de la décadence. Catalogue de l’exposition au musée Anne-de-Beaujeu, 2014.
              

David Wark Griffith, parmi les images collectées en vue de son film Intolérance, détenait une photographie de La Mort de Babylone de Georges Rochegrosse. Les œuvres gigantesques de celui qui fut l’un des derniers grands peintres d’histoire annonçaient en effet les « péplums » et les films hollywoodiens à grand spectacle. Rochegrosse s’était rendu célèbre par ses tableaux historiques à sensation, soigneusement préparés par des lectures érudites et une documentation archéologique. Sur fond de décors dignes d’un opéra, ces « grandes machines » offraient au public « du sang, de la volupté, de la mort » : scènes d’apocalypse illustrant l’agonie d’empires dépravés, orgies antiques, assassinats illustres, exactions d’une populace sanguinaire, allégories d’une humanité s’abandonnant à sa folie destructrice… le tout embrasé par des couleurs de sang et d’incendie (l’une de ses œuvres les plus dramatiques s’intitule d’ailleurs La Joie rouge). Passionné de Wagner et proche du symbolisme, Georges Rochegrosse n’avait rien contre les sujets de la vie moderne, mais il était de ceux qui trouvaient l’impressionnisme « bas de plafond », banal de contenu. Son beau-père (et sans doute son père naturel) était le poète Théodore de Banville, qui l’avait introduit dans les milieux littéraires.  Ses affinités allaient à Salammbô de Flaubert, dont il fit de superbes illustrations. Après la gloire, il connut bien sûr la réprobation vouée à tous ceux que l’on a voués aux gémonies sous le nom de « pompiers » - sans admettre qu’ils incarnaient parfois avec talent d’autres voies de la peinture que les recherches esthétiques de l’avant-garde. Depuis les années 1970, le musée Anne-de-Beaujeu a Moulins a préparé sa redécouverte, sinon sa réhabilitation, consacrée par une grande exposition monographique en 2014.   

Parallèlement à ses compositions historiques, Georges Rochegrosse a peint quelques scènes intimistes, comme le touchant portrait de sa femme Marie dans leur villa de Djenan Meryem, qu’il avait fait construire vers 1900 sur les hauteurs d’El Biar, près d’Alger. Bien que l’atelier représenté dans notre pochade soit parisien, c’est un décor orientaliste qu’avait conçu ici l’artiste, un chaleureux patchwork de tapis et d’étoffes entourant une table syrienne et un coffre d’Afrique du Nord. Ce puzzle de textiles aux motifs abstraits, tous différenciés, confine lui-même à l’abstraction et confère à l’œuvre une modernité inattendue. S’il avait établi sa résidence en Algérie, où il mourra, Rochegrosse conserva toujours un pied à terre à Paris. Il changea souvent d’adresse et les catalogues des Salons le situent tantôt boulevard Berthier, tantôt avenue des Ternes ou à Neuilly. Après 1924, il ne déclare plus d’autre adresse que sa villa d’El Biar. Les initiales G.M. qui commencent la signature de notre tableau indiquent une date postérieure à 1920 (après la mort de Marie, Georges y rajouta un M en sa mémoire). Sans doute, au cours des années 1920, le peintre loua-t-il quelque temps un atelier au 65, rue de Douai. Située dans le quartier de la Nouvelle Athènes, c’était une rue de peintres. Hippolyte Bellangé, Tony Robert-Fleury y eurent des ateliers et Edgar Degas y résida.