Composition surréaliste, vers 1935
Encre, crayon et crayons de couleur sur papier
Cachet de l’atelier au verso
Dimensions de la feuille : 13 x 13 cm
Dimensions du cadre : 30 x 30 cm
Né à Bucarest en 1897 d’un père officier de la garde nationale roumaine et d’une mère d’origine française, Mathieu Rosianu grandit dans un milieu bourgeois. Il obtient un premier diplôme de dessin en 1912. Il quitte la Roumanie en 1918 pour s’installer à Paris où il poursuit sa formation artistique aux Arts décoratifs avant d’être admis à l’École des beaux-arts en 1920 dans l’atelier d’Ernest Laurent (1859-1929). En 1923, il expose ses premières toiles au Salon d’Automne, au Salon des Tuileries et au Salon de la Société nationale des beaux-arts.
À l’aube des années 1930, Mathieu Rosianu travaille comme dessinateur chez Bitschenauer et chez Schweitzer avant de fonder sa propre maison de dessins pour tissus. Il produit de nombreux modèles pour d’importantes entreprises de textile françaises et américaines. Politiquement engagé, il fréquente des artistes proches de la mouvance communiste libertaire tels que Jean Hélion avec lequel il se lie d’amitié. En 1931, il participe aux réunions de l’Union des artistes professionnels du Groupe Artistique qui rassemble des artistes soutenant la revue Monde, hebdomadaire fondé par Henri Barbusse.
Dès 1932, Mathieu Rosianu compte parmi les membres fondateurs de l’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires (A.E.A.R.) créée cette même année et réunissant des artistes engagés que sont Jean Lurçat, Jean Hélion, Auguste Herbin ou encore Édouard Pignon. Il contribue à la revue de l’A.E.A.R., Commune, pour laquelle il réalise avec son épouse Juliette Bajou plusieurs compositions graphiques. Très impliqué, il fait partie du comité d’initiative du collectif et participe à ce titre activement à l’organisation de la première Exposition des Artistes Révolutionnaires qui a lieu en 1934 et à laquelle prend part une dizaine d’artistes dont Francis Jourdain, Amédée Ozenfant et Auguste Herbin. Mathieu Rosianu rédige notamment la préface du catalogue de celle-ci, comme un manifeste. La même année, ses œuvres côtoient celles d’artistes surréalistes de renom que sont Salvador Dali et Man Ray à l’occasion de l’exposition intitulée Avertissement chez Marie Cuttoli, Galerie Vignon à Paris, et dont le propos s’inscrit en réaction à l'attitude des nazis envers l’art dit “dégénéré”.
En 1935, Mathieu Rosianu prend ses distances à l’A.E.A.R. et se consacre à la réalisation de projets décoratifs de soieries et de papiers peints sous le pseudonyme d’Émile Arbor. Ses créations rencontrent un vif succès à l’Exposition Universelle de 1937 où il se voit récompensé d’un Grand Prix avant que la Seconde Guerre mondiale ne vienne mettre un terme à cette activité.
Fidèle à la figuration, Mathieu Rosianu est soucieux de renouer avec la réalité chère aux artistes de l’entre-deux-guerres. Il s’attache à exalter la dignité des classes populaires et son œuvre s’inscrit en grande partie dans la mouvance d’artistes soulevant le rôle social de l’art. En opposition avec la peinture dite “de chevalet”, il est partisan d’une “peinture pour tous”*, une “peinture chargée d’émotions humaines”* et non pas une “peinture prétexte”*.
Le traumatisme de l’effroyable désastre des deux guerres et la souffrance qui s’empare de lui inspirent à l’artiste une œuvre plus sombre. Sa souffrance psychique s’exprime dans sa peinture qui demeurera pour lui une nécessité vitale. Il développe une obsession certaine pour des thèmes relatifs à l’obsession de la mort, à l’angoisse de la déconstruction et au deuil de l’enfant.
L’angoisse et la critique de la guerre transparaissent également dans le dessin à l’encre et aux crayons de couleurs que nous présentons. Il dénonce dans ce dernier l’absurdité de la guerre et le coût humain qu’elle a engendré. Il s’agit d’un bel exemple de son travail aux affinités surréalistes. Il repose sur un jeu d’optique en trompe-l’oeil et vise à abolir les présupposés des modes de représentation classiques. Réalisé autour de 1935, ce dessin traite de manière subtile du thème du tribut humain généré par la Première Guerre mondiale.
© A. BIOT