Nevers vers 1660, Exceptionnelle et grande aiguière sur piédouche en faïence de grand feu dite "à la religieuse" -en raison du col à rebord reprenant la forme de la coiffe de religieuses de cette époque. Cette forme est d'ailleurs directement empruntée à des modèles d'argenterie du début de l'époque Louis XIV, et à la majolique italienne.
L'anse finement torsadée et le col à rebord mouvementé et reliefs, donnent une grande élégance et une légèreté à cette exceptionnelle et grande pièce d'apparat.
Décor en camaïeu de bleu -le dessin est discrètement délimité de fins filets en manganèse, sur fond bleuté -lié à une teneur importante en étain dans la composition de l'émail,
Les 2 scènes connexes figurent un décor historié: la légende de la Reine Tomyris ayant demandé à ses soldats de ramener la tête de l'Empereur Perse vaincu Cyrus le Grand pour la jeter dans « une outre de sang humain »
Tomyris (parfois Thomyris), est une reine légendaire des Massagètes, célèbre pour avoir mis fin au règne de Cyrus le Grand. Elle est considérée comme la dernière reine des Amazones ;
*elle est ainsi ici représentée en cavalière, richement vêtue et couronnée.
"Dans l'Antiquité profonde, les guerriers nomades légendaires issus du cercle des Scythes -Les Saques, les Massagètes, Les Sarmates et les Scythes régnaient sur les vastes étendues de la steppe Eurasienne. Pendant 1 millénaire, du VIIIe s avt JC au IVe s ap, ils ont effrayé les civilisations d'Orient et d'Europe : la Grèce, Rome, l'Egypte et la Perse. Parmi les tribus orientales figuraient les Scythes et les Massagètes, qui vivaient en Asie centrale.
A cette époque, les Massagètes étaient gouvernés par la Reine Tomyris. Après la mort de son père, chef de toutes les tribus, Tomyris hérita du pouvoir, mais de nombreux chefs de tribus, mécontents d'être gouvernés par une femme, tentèrent de renverser son règne. La Reine Tomyris s'est battue toute sa vie pour avoir le droit de diriger, et elle l'a prouvé par son courage, ses compétences militaires et son dévouement à son peuple.
Il existe une légende sur la manière dont Tomyris a choisi son mari. Pendant la guerre avec les autres tribus Scythes, son père demanda l'aide de son allié, le chef Scythe Tigrahaud Kawad. Kawad se battait également pour ses frontières à ce moment-là, si bien qu'il envoya son fils bien-aimé Rustad à sa place. Lorsque Rustam arriva dans la forteresse des Massagètes, un concours fut organisé entre les Batyres. Le prix de cette compétition était la main de la fille du chef, Tomyris. Celui qui rattraperait Tomyris à la course de chevaux deviendrait son mari. Tomyris était l'une des meilleures cavalières de sa tribu, si bien que seuls les meilleurs guerriers pourraient la rattraper. Rustam gagna la compétition.
Après la mort de son père (ou de son mari ?), chef de toutes les tribus, Tomyris hérita du pouvoir, mais de nombreux chefs de tribus, mécontents d'être gouvernés par une femme, tentèrent de renverser son règne. La Reine Tomyris s'est battue toute sa vie pour avoir le droit de diriger, et elle l'a prouvé par son courage, ses compétences militaires et son dévouement à son peuple.
Au VIe s avt JC, le premier empire mondial des Achéménides a été fondé en Perse. Après avoir unifié les pays de Mésopotamie, le Roi perse Cyrus II lance une politique de conquète, notamment de la grande Egypte. Cependant, Cyrus prévoyait qu'une guerre avec un si grand Etat, renforcé par la politique du pharaon Amasis, serait difficile. Cyrus décida de repousser l'expédition en Egypte et de sécuriser les frontières orientales de l'empire où se trouvaient les nomades Scythes et Massagètes dans les vastes steppes. Ces tribus des steppes disposaient d'une force militaire impressionnante et leurs mouvements étaient imprévisibles, ce qui leur permettait d'envahir à tout moment de l'année les territoires d'Asie centrale conquis par les Perses. En 530 avt JC, Cyrus le Grand se dirigea vers l'Est à la tête de son immense armée.
Lorsque Tomyris apprit l'attaque de Cyrus II, elle ordonna aux Massagètes de quitter leur camp et de se rendre dans la steppe. De son côté Cyrus décide de ruser pour s'emparer du pouvoir sur les Massagètes. Il envoya un émissaire avec une lettre à la Reine Tomyris. Dans cette lettre, Cyrus fait l'éloge de sa beauté et de son intelligence, et lui propose de devenir sa femme. De cette manière, il préserve son peuple d'une guerre sanglante. Mais la sage Tomyris comprit que le souverain Perse n'avait pas besoin d'elle, mais de son Royaume et refusa. Il semblait que la campagne avait commencé avec succès pour les Perses. La cavalerie Massatérine, qui couvrait les nomades, s'enfonçant de plus en plus dans la steppe, essayait de ne pas être impliquée dans les combats sérieux et se retirait devant l'avancée de l'armée Perse. Il s'agissait d'une tactique visant à attirer l'ennemi dans la steppe. Après les escarmouches, les Massagètes se dérobaient toujours avec succès à la poursuite sur leurs chevaux rapides. C'est ainsi que les Perses arrivèrent à Yaxart.
C'est là que Cyrus décida de recourir à la tromperie. Il ordonna au camp d'empoisonner tous les soldats blessés et malade, alors qu'il était lui-même en embuscade avec le gros des forces. Les Massagètes, menés par le fils de Tomyris, Spargapysès, attaquèrent le camp pendant la nuit mais ne furent pas repoussés car ils pensèrent que les Perses avaient pris la fuite.
Pour fêter leur victoire, ils burent le vin laissé par Les Perses qui avait été empoisonné. La nuit, alors que la plupart des Massagètes dormaient, les Perses attaquèrent et massacrèrent presque toute l'unité. Le fils de Tomyris fut fait prisonnier. Lorsque la Reine Tomyris l'apprit, elle envoya un messager à Cyrus pour exiger la libération de son fils car il n'avait pas été capturé "par la force des armes dans un combat loyal". La Reine des Massagètes avertit le souverain Perse de manière menaçante : "si tu ne le fais pas, je jure devant le dieu-soleil, le souverain des Massagètes, je et donnerai vraiment du sang, peu importe à quel point tu es insatiable. Cyrus refusa, et Spargapysès se suicida, car il ne voulut pas que Cyrus manipule Tomyris grâce à lui.
Lorsque Tomyris apprit la mort de son fils, elle décida d'attaquer les Perses. Une bataille eut lieu dans la steppe au cours de laquelle les Massagètes déchaînèrent toute leur force et leur rage contre l'armée Perse. Cyrus mourut dans la bataille. Tomyris ordona de remplir de sang un soufflet à vin en disant "tu as voulu du sang, alors bois-le en abondance"
« Ce combat fut, je crois, le plus furieux qui se soit jamais donné entre des peuples barbares. Les deux armées étant à quelque distance l’une de l’autre, on se tira d’abord une multitude de flèches. Les flèches épuisées, on fondit les uns sur les autres à coups de lances, et l’on se mêla l’épée à la main. On combattit longtemps de pied ferme, avec un avantage égal et sans reculer. Enfin la victoire se déclara pour les Massagètes : la plus grande partie de l’armée des Perses périt en cet endroit, et Cyrus lui-même fut tué dans le combat, après un règne de vingt-neuf ans accomplis. Tomyris, ayant fait chercher ce prince parmi les morts, maltraita son cadavre, et lui fit plonger la tête dans une outre pleine de sang humain. « Quoique vivante et victorieuse, dit-elle, tu m’as perdue en faisant périr mon fils, qui s’est laissé prendre à tes pièges ; mais je t’assouvirai de sang, comme je t’en ai menacé. » Site L’antiquité grecque et latine du Moyen Age, de Philippe Remacle, Histoire par Hérodote, Livre I
La victoire sur Cyrus est devenue légendaire ; pendant longtemps, les Scythes et les Massagètes ont assuré la sécurité de leurs frontières contre les Perses. La Reine Tomyris est devenue un symbole de liberté et de force pour l'armée des Scythes et des Massagètes.
*Un cavalier massagète conquérant, en armure et montant un cheval cabré, avec un carquois dans le dos, brandit un arc et une flèche. Il est accompagné d'un autre soldat casqué, piéton, portant bouclier et épée, tenant devant lui une tête décapitée, celle de l'empereur Perse Cyrus Le Grand, réclamée par La Reine Tomyris pour la jeter dans un sac de sang humain, en vengeance de la mort de son fils..
Les 2 parties du décor historié sont séparées d'un important cabochon central en relief portant une armoirie bipartite, séparée verticalement, avec à gauche un grand oiseau mythologique aux ailes déployées (aigle ?) et à droite 2 grandes fleurs de lys superposées, sur un fond rempli de rayures horizontales manganèse. Il ne me semble pas s'agir d'une armoirie fantaisiste et simplement décorative (?)
La taille relativement importante de cette aiguière (on trouve plus communément des exemplaires d'aiguières de cette forme avec des hauteurs autour de 15cm; voir la photo avec une autre pièce de forme similaire de ma collection, avec un décor aux chinois) combinée au dessin très précis de son rare décor historié fait de cette pièce un modèle véritablement exceptionnel, que l'on pourrait facilement préférer aux pièces conservées à ce jour dans les plus grands musées spécialisés (notamment les Musée national de la Céramique de Sèvres et Musée national de la céramique Adrien Dubouché à Limoges) Voir dernière photos.
Dimensions: H 35cm et diamètres 15cm (sans l'anse) et 23cm (avec anse et col)
Marque de décorateur "D / 3" sous couverte sous le talon de l'aiguière, précisant certainement l'initiale du décorateur ou faisant référence à la forme de ce modèle et sa taille.
Très bon état de conservation, sans fêle, cassure ni restauration. A signaler seulement une toute petite égrenure en bordure du piédouche, facilement restaurable. Très bel émail et couverte brillante de la céramique, sans usures.
Tous mes remerciements à l'un de mes client amateur de faïences et collectionneur, m'ayant très utilement renseigné sur ce décor historié que je n'avais pas su identifié !