Adoptant le profil d'un panier tel que l'arboraient les Grandes Dames du XVIIIe siècle herborisant le temps d'une promenade dans les jardins de Versailles ou de Trianon, cette coquette boîte à ouvrages de forme rectangulaire à pans renflés gracieusement chantournés réalisée en "carton laqué"déploie sur son ensemble un luxuriant et précieux décor floral.
Ses abattants, festonnés d'un délicat galon à motif de fins enroulements de tigelles peints or semés de liserons en nacre teintée mauve, se parent d'opulents bouquets fleuris.Sur un fond vernis laqué noir, des fleurs champêtres épanouies -coquelicots, anémones, renoncules, vesnes, ...- exécutées en nacre rehaussée de couleurs éclatantes mêlent leur gaie efflorescence à des graminés, feuillages peints or ou en polychromie. Vrilles, feuilles et grappes de raisins encadrés de graciles fleurettes tigées semblabement burgautés agrémentent son pourtour. Touchés d' or et d'une teinte bleutée, volutes, rinceaux d'acanthe feuillagée courent sur son anse.
Ouverts,les abattants découvrent un intérieur garni de moire rose voué à accueillir ces accessoires de couture, de broderie, menues étoffes et rubans attachés aux plaisirs domestiques de la gente féminine du XIXe siècle.
Séduction de la forme néo-Louis XV, raffinement ornemental mettant en oeuvre des matériaux délicats (nacre blanche ou teintée incrustée), finesse d'excécution particularisent cet objet "de fantaisie" en "carton laqué", caractéristique du Style Napoléon IIII "fleuri"éclos au cours des années 1850-1860.
A l'instar des papiers peints ( Le Jardin d'Armide, 1854, Manufacture Jules Desfossé), des tentures ou étoffes nimbant murs, sièges ou diâprant de leurs champêtres voire exotiques floraisons les toilettes des élégantes du Second Empire, ce matériau, appliqué dans la création inédite d'objets "d'un goût exquis(coffrets, boîtes à ouvrages , à thé, à jeu, nécessaires de toilette ou de bureaux, écrans à main,..) et de meubles "originaux"( chaises, fauteuls, guéridons, étagères, vitrines, bonheurs-du-jour,paravents,..) en papier mâché recouverts de laque noire à la gomme incrustée de nacre, rencontrera auprès de la société parisienne de l'époque éprise de nouveautés et de luxe un réel engouement.
Aussi, des marchands parisiens d'Objets de fantaisie et de Meubles luxueux tels A.Giroux, Tahan n'hésitèrent point à commercialiser au sein de leurs prestigieuses Maisons ces ouvrages décorés, sur un fond laqué noir au "vernis d'un grand brillant" ,de "frais et éclatants"motifs " floraux dans le goût du XVIIIe siècle" prisé par leur clientèle. .
D'un prix onéreux-car nécessitant temps et main d'oeuvre diverses*-, ceux-ci émanaient essentiellement de l'Etablissement Adt Frères, détenteur de leur production. Louée pour avoir su tirer du papier mâché, du carton-pâte " le plus merveilleux parti", cette fabrique fondée en 1839 par Pierre Adt (1820-1900) fut récompensée lors des Expositions Universelles (Médaille de prix, 1854; Médaille d'or, 1878) pour ses "articles de luxe d'un goût exquis moderne et d'un fini incomparable dans l'exécution" (Le Panthéon de l'Industrie, 1897). Etablie à Forbach (1853) puis à Pont-à-Mousson (1872), possédant des succursales de ventes à Paris (rue Turbigo), à Londres, elle acquit au cours des années 1860-1870 une renommée internationale.
Témoin de cette ascension, Paul Paulian écrivait en 1885"Laqués ou couverts d'un vernis simple, décorés de peintures ou d'incrustations" à motifs floraux ou d'inspiration sinisante, "panneaux décoratifs mobiles", mobilier "créés par MM.Adt décorent -tout comme les intérieurs des wagons de luxe des grandes compagnies de Chemin de fer "- bibliothéques particulières , Salons, Boudoirs des appartements parisiens".
* " Le papier mâché sert particulièrement à la composition de petits meubles, de boîtes, de coffrets et de plateaux. Le brillant quiles distingue est dû au nombre de couches de vernis qu'on y applique (..). Les plus belles laques n'on pas moins de 10 à 16 couches. On a soin de les faire sécher après chaque couche de vernissage, on les décore ensuite avec de la peinture, de la nacre, surtout de la dorure, puis on leur donne le poli nécessaire en les frottant avec la main (...). C'est une sorte de compromis entre l'art japonais et l'art chinois.Cependant, le papier mâché, ou Laque Fleur, prend faveur en France.Il jette de la diversité, de l'originalité dans l'ensemble d'un ameublement". (Léon, Brisse, Album de l'Exposition Universelle dédié à S.M Le Prince Napoléon, T.3; 1855-1856, p. 281.
Travail de la seconde moitié du XIXe siècle d'Epoque Napoléon III réalisé par la Manufacture Adt Frères de Pont-à-Mousson. Circa 1860.
Matériaux: papier mâché; vernis et laque; peinture polychrome et or; nacre blanche et colorée.