Il vit une première période difficile, partageant le sort de nombreux de ses contemporains, et ses oeuvres ne rencontrent que peu de succès. C'est certainement durant ce moment que le sculpteur s'attache à la représentation de la misère.
C'est la présentation au Salon de 1901 de deux oeuvres, Les Musiciens et l'Aveugle qui amorcent un tournant dans sa carrière. Les oeuvres y sont remarquées par la critique et Julius Meier-Graefe, directeur de la Galerie Moderne, lui propose un contrat.
Il s'installe alors dans un atelier à Montmartre, voisin de celui de Carl Milles et fonde la Société des Artistes Réalistes en 1902.
Il quitte Paris définitivement en 1910 pour s'installer dans la colonie artistique de Darmstadt.
L'oeuvre que nous présentons a été fondue en 1914 ; elle fut éditée aussi par le fondeur Eugène Blot, dont un exemplaire est conservé au Musée Sainte-Croix de Poitiers. Des modèles en plâtre furent aussi édités par La Maison Moderne.
Oeuvre d'une expression époustouflante, la figure du musicien aveugle s'accroche d'une main tendue sur l'épaule de la jeune femme qui guide ses pas. Son autre bras s'appuie sur une canne, tandis qu'à son dos pend une guitare, certainement son unique moyen de subsistance. La femme avance d'un pas déterminé, semblant lutter froidement contre le déchainement des épreuves de la vie. Une force de caractère héroïque se dégage de son visage, contrastant avec l'hébétement et le vide des orbites du non-voyant.
Réflexion profonde sur le sens de la vie, le vieux musicien aveugle, à la merci des difficultés du Monde, incapable de voir devant lui, est guidé par une force supérieure, une sorte de destin absolu qui lui ouvrirait le chemin.