Installé dans une niche au centre du tableau, un splendide bouquet de fleurs repose dans un vase en verre. L'apparente spontanéité de cette œuvre ne doit pas nous faire oublier qu’il s'agit là d'une composition savamment orchestrée de sorte que chaque fleur resplendisse sans pour autant éclipser ses voisines. Pour ce faire, notre artiste, Jacques de Gheyn II, place son point de fuite relativement haut afin que les feuilles vertes situées en contrebas forment une base permettant la transition avec le vase. Chaque forme de fleur offre alors des possibilités de symétrie au sein de l’ensemble : les fritillaires tombantes contrebalancent les ancolies jaillissantes, les petits brins de muguet au centre équilibrent les masses de roses et de chrysanthèmes ; enfin les tulipes, objet de toutes les passions et spéculations au début du XVIIe siècle, constituent l'axe central de la composition. L'harmonie des tons concourt à rendre l'ensemble lisible par l'alternance de couleurs chaudes et froides sur un fond architectural sombre. Tout en impulsant un sentiment de vie à l'ensemble, les quelques insectes présents autour du bouquet augmentent le sens moral d’une œuvre où se répondent plaisirs esthétiques et symboliques, beauté et vanité. Chenilles appelées à se métamorphoser en papillons d’un côté, végétaux aux floraisons éphémères de l’autre : ici tout converge pour nous rappeler le caractère bref et cyclique de la vie.
Ayant joui d'une grande renommée en tant que graveur, Jacques de Gheyn II fut également l'un des tout premiers peintres de fleurs néerlandais, avant même Ambrosius Bosschaert. Ainsi, une vingtaine d'aquarelles peintes sur vélins témoignent des travaux préparatoires qui lui servirent, dès le tout début des années 1600, à peindre des natures mortes florales à l'huile, dont très peu d'exemplaires nous sont parvenus. Le Mauritshuis de La Haye conserve l'une d'elles, datée de 1612, dont la composition peut être rapprochée de notre peinture. Le succès fut tel pour ses natures mortes que Jacques de Gheyn II eut comme client l’empereur Rodolphe II et qu'il reçut 1000 florins en 1606 de la part du stadhouder pour un tableau qui fut ensuite présenté à Marie de Médicis. Ses contemporains ne tarissaient pas d’éloge à son égard. Ainsi, Karel van Mander voit en lui « un artiste complet, à la fois capable de peindre d'après le motif et d'après son imagination ». Enfin, Constantin Huygens, secrétaire de Frédéric-Henri d'Orange Nassau, loue dans ses mémoires les aquarelles de Jacques De Gheyn II dont « les fleurs et les feuilles [...] sont peintes avec grâce, élégance et réalisme ».
Nous avons choisi de vous présenter l’œuvre dans un cadre à casseta tusco-émilien à décor d’enroulement de feuillages en bullinato dans les plats, premier quart du XVIIe siècle.
Dimensions: 56 x 43 cm - 72 x 60 cm avec le cadre.
Jacques de Gheyn II (Anvers, 1565 - La Haye, 29 mars 1629) naît dans une famille de graveurs et poursuit son apprentissage auprès du célèbre Glotzius vers 1585 à Haarlem. Dès 1590, il produit ses propres estampes à Amsterdam, puis part s'installer à Leyde de 1595 à 1602 où il collabore notamment avec le grand philosophe et juriste, Grotius. En 1605, il s'installe à La Haye où il demeure jusqu'à sa mort, travaillant entre autres pour la famille d'Orange Nassau. Il délaisse alors la gravure au profit de la peinture à l'huile dont seuls une vingtaine de tableaux subsistent aujourd'hui. Son fils, Jacques de Gheyn III, fut également graveur mais ne peignit vraisemblablement que très peu de tableaux.
Bibliographie :