Dans cette série, des couples badinant se livrent à des expérimentations sensorielles : un vieil homme effleure le décolleté d’une jeune femme, un autre tend une fleur odorante à sa partenaire, un troisième approche un bâtonnet de sucre des lèvres de sa compagne, le suivant propose à sa dame d’observer son reflet dans le miroir qu’il lui tend et enfin, le dernier susurre à l’oreille de sa dulcinée. Fraises, pourpoints, robes à brocards, parures de bijoux, toques et chapeaux de feutres constituent un véritable catalogue de la mode en vogue à la fin du XVIe siècle, stimulant la vue du spectateur à travers une riche palette et lui faisant imaginer les sensations des textures. Ainsi, ces personnages expérimentent à la fois leurs sens et les joies de l’amour courtois. Il s’agit ici d’une rupture avec l’iconographie classique de la représentation des cinq sens qui, inspirée des écrits de Pline l’Ancien, symbolisait chacun d’eux par un animal (le chat incarnant la vue, l’oiseau le toucher, etc.).
Hendrick Goltzius fut le premier à rompre avec cette sémiologie dans un ensemble de dessins gravés par Jan Saenderam vers 1595. Dans cette première série, les animaux étaient relégués au second plan au profit de couples analogues aux nôtres. Toutefois, notre œuvre va plus loin en abandonnant toute représentation animalière, l’attention se portant sur l’expression des sentiments et des plaisirs à travers de subtils échanges de regards et des jeux de mains. En l’espèce, le dessin délicat des figures se rapproche davantage du dessin original de Goltzius que des gravures plus maniéristes de son élève Saenderam. Les carnations rosées, les corps voluptueux, sans excès musculaires, et le coloris puissants, sont autant d’indices qui révèlent une manière proto-baroque, héritée de la Renaissance vénitienne, et qui fut adoptée par Goltzius dans les années 1600 comme en atteste sa Danaé et la pluie d'or de 1603 (Los Angeles County Museum). Cette considération stylistique conjuguée à ce jalon iconographie augmenté d’une originalité certaine autorise à penser qu’il s’agirait là d’une œuvre autographe de Hendrick Goltzius.
Nos cinq panneaux sont sublimés par de délicats cadres de style Louis XIV.
Dimensions : 39 x 33,5 avec les cadres
Hendrick Goltzius (Mülbracht 1558 – Haarlem, 1er jan. 1617) naît dans une famille de peintres mais commence sa carrière d’artiste en devenant l’apprenti du graveur Dirck Volkertsz. Coornhert en 1574. Il suit son maître à Haarlem en 1577 où il travailla jusqu’à la fin de sa vie, à l’exception d’un séjour en Italie l’année 1591 qui eut un impact considérable sur son art. Son ami, Karel van Mander, relate ainsi l’influence qu’eurent sur lui les « douces peintures de Raphaël » mais surtout le « naturalisme des peaux du Corrège », les « importants contrastes d’ombre de Titien » et les « superbes matériaux et tissus de Véronèse ». Ces découvertes le poussèrent à abandonner le maniérisme tardif de son début de carrière au profit d’une approche plus classicisante basée sur la Renaissance tardive et à s’initier à la peinture à l’huile, medium qu’il ne pratiquait pas avant cela. En 1582, Goltzius ouvre sa propre imprimerie, ce qui lui permet de diffuser ses gravures et de s’enrichir considérablement. Ayant eu une santé précaire toute sa vie, il meurt en 1617, la ville de Haarlem ayant célébré ses funérailles en faisant sonner les cloches pendant une demi-heure.
Bibliographie :