Les formes de ce porte-parapluie en faience émaillée font jouer la lumière sur l’émail de couleur rose, beige et bleue qui recouvre la faïence : pas une seule surface plane, que des courbes, des creux, des saillies, qui sont autant de mouvements jouant avec la lumière. La réalisation de cet objet semble être un véritable tour de force : reposant sur une base, il s’élance en hauteur, offrant à la vue autant de parties ajourées que de parties pleines. Dans la partie haute, un visage d’homme se dessine. Par sa couleur et par ses formes, cet objet semble évoquer l’élément naturel, alors très en vogue dans les réalisations de Delphin Massier. Dans un catalogue des productions de Delphin Massier (datant de 1908, soit un an après sa mort et reproduisant les oeuvres qui ont fait sa célébrité), on retrouve un porte-parapluie très similaire (n° 1110). Ainsi, on peut affirmer chez Delphin la quête constante de nouvelles formes, le travail important livré sur chaque objet qui, loin de n’être qu’utilitaire, devient une vraie céramique artistique.
Delphin Massier faisait partie d’une dynastie de potiers, installée à Vallauris. Cette famille introduisit dans cette ville une véritable céramique d’art. C’est son grand-père, Pierre Massier (1707-1748), désigné comme « maître potier à terre », qui fut le premier de cette lignée de céramistes. Dans ses débuts, l’atelier Massier oriente ses recherches vers la fabrication de pièces utilitaires pour une clientèle locale. Mais rapidement, les Massier cherchent à innover, en créant une céramique artistique. Cette nouvelle production naît en 1859, à l’arrivée dans l’atelier de Jacques Massier, père de Delphin, d’un italien natif de Bologne, Gandolfi Gaetano. Les diverses sources écrites s’accordent sur le rôle déterminant de cet italien dans l’évolution de l’atelier et dans la formation artistique de Delphin et de son frère Clément. Il va les initier à la fabrication des émaux, à la pratique des moules en plâtre, permettant ainsi d’éditer des pièces en petites séries, et enfin à la fabrication des premiers vases d’inspiration néo-classique. Gandolfi Gaetano sera aussi à l’origine de l’introduction d’une nouvelle technique de décor, la faïence émaillée, donnant ainsi naissance à une production nouvelle durablement exploitée, comme l’illustre le porte-parapluie que nous présentons ici. Dès lors, la fabrique Massier va prendre de plus en plus d’importance et se distinguera de la production locale en créant des modèles originaux. Peu à peu, ils s’orienteront vers une céramique exclusivement artistique. Si les différentes entreprises de Delphin, Clément et leur cousin, Jérôme fils, ne connaissent pas l’ampleur des grandes faïenceries industrielles du XIXè siècle, elles se démarquent néanmoins de l’atelier familial à vocation artisanale. Ils emploient un personnel relativement important, comme Delphin qui, en 1897, emploie 93 personnes. Ils vont créer un véritable réseau commercial jusque-là inexistant dans la région. C’est ainsi que l’ensemble de leurs œuvres est tout d’abord diffusé par l’intermédiaire de catalogues de vente, grâce auxquels nous avons pu établir l'attribution de ce porte-parapluie.