Exécuté d'après un carton original (n°1007) de l'artiste, ce grand panneau de forme rectangulaire tissé par les *Ateliers Tabard Frères et Soeurs Lissiers à Aubusson campe sur un fond noir la martiale effigie d'un Archer. Inspiré des héroiques déités hantant les antiques mythes gréco-romains ou des créatures associées à l'imaginaire astrologique -Le Sagittaire , figure tutélaire chez Lurçat de l'acte créateur engendrant une vision poétique du Monde-, ce sculptural guerrier représenté profilé à l'instar des oeuvres céramistes de l'Antiquité ou de Haute- Lisse d'époque Médiévale, un arc bandé en main, darde sa flèche zébrée vers l'astre lunaire. Signifiant ici la dimension crépusculaire de l'Homme, ce symbole, apparenté aux rêveries nocturnes, est éclipsé dans la tenture par celui central et rayonnant de l'Oeil Solaire-symbole lié au principe créateur de l'Univers, générateur de vie comme de plénitude terrestre. En cet "oeil fiché dans la Lumière", éperonnant le pas, la gestuelle de l'archaisante figure représentée, l'artiste nous livre sa vision personnelle de "l'Homme qui sait voir, et croit, et aime savoir en tentant d'atteindre le coeur des choses", et qui au sein de l'espace sidéral, "chante l'espoir fâce au soleil ".
Incandescents, vivement colorées, rougeoyantes, sillages étoilés, étoiles, feuilles automnales traversent, constellent, ponctuent le champ de la tapisserie scandée en sa partie supèrieure d'une large trouée blanchâtre: soulignée sur son contour sinueux de menus éclats, ce grand aplat de couleur à l'arborescente luminosité semble une évocation de la Voie Lactée . Elle auréole l' impétueux et flamboyant Archer-Sagittaire dont Jean Lurçat dès 1927 (L'Archer, 1927, canevas à l'aiguille, Musée d'Angers) aima à décliner en divers médiums l'élan vital , les aspirations à hauteur de s dimensions épiques d'une Odysée du Monde Contemporain Le Sagittaire, figure centrale de la 8ième tenture consituant Le Chant du Monde, 1959,oeuvre maÏtresse du Tapissier-Poéte conservée au Musée d'Angers; L'Archer aux Astres, 1956; Le Sagittaire,du livre illustré Les Signes du Zodiaque, 1959, Photolithographie, Musée National des Beaux-Arts de Quebec).
Monogrammée dans la trame en bas, à gauche "JL" (Jean Lurçat) et à droite de celui en lettres majuscules entrelacées "ATBS" surmontant un écu à motif d'un chêne (pour Atelier Tabard Frères et Soeurs, Lissiers à Aubusson.
Au revers (détaché), bolduc d'authenticité en tissu mentionnant sur son cartel L'Atelier Editeur sous le martricule n° 34-34 du carton original (n° 1007) ainsi que la signature calligraphiée de l'Artiste : "Jean Lurçat".
*A propos de Jean LURCAT ((Bruyère, 1892- Saint-Paul-de-Vence, 1966)-
En 1968, à titre de présentation d'une Exposition (Nice, Musée des Ponchettes, - Tous ces Lurçat qui sont un seul Jean, 25 juillet-25 août 1968 ) consacrée à Jean Lurçat, Roger Garaudy écrivait: " Ce peintre de l'honneur de vivre et de la joie de créer tricotait, en effet, tous ses hommes-arbres avec des feuillages vivants. Il créait un monde tissé d'hommes, de végétaux et d'arbres, avec des soldats, des coqs ou des soleils qui vous interpellent.A le voir, débordant d'allégresse et de vitalité, on avait l'impression qu'il faisait partie de la trame de ses tapisseries, ou qu'il était tricoté de la même laine.(...) Le sorlilège de Lurçat, c'est cette parfaite adhérance du langage au message, du mode d'expression à la manière de sentir, de vivre et de chanter la vie".
On ne saurait mieux appréhender la verve créatrice de cet artiste doté de plusieurs facettes (peintre, lithographe, illustrateur, céramiste, poéte et critique d'art) considéré comme l'artisan inconstesté du grand Renouveau au XXe siècle de l'art textile monumental. A travers ce séculaire médium vers lequel se fixa dés les années 1915-1930 sa démarche artistique en quête d'un dialogue novateur entre peinture et art monumental-intuition confortée en 1938 par "la révélation esthétique (ampleur et poésie)" comme "technique (gros tissage, palette réduite, dessin simplifié)" suscitée par sa découverte de L'Apocalyse de Jean,tenture de la fin du XIVe siècle (Château D'Angers) , Jean Lurçat édifia juqu'à la fin de sa vie par le biais de "motifs-symboles" empruntés aux bestiaires de l'imaginaire médiéval, à la cosmologie ou à l'imagerie contemporaine une "mythologie tout à la fois vivace et inquiétante", poétique et enracinée dans son Temps. Nombre d'articles, ouvrages monographiques, expositions parisiennes ou européenes ayant mis en exergue les oeuvres tissées d'après ses cartons , on se contentera donc de nommer entre autres: L'Orage (1933, pour la galerise Marie Cuttoli), , Les Illusions d'Icare (1936-1937), Les Moissons (1937),Es La Verda (1942), Liberté (1943, d'après le poéme d'Eluard), L'Apocalypse (1947, pour l'église d'Assy ), Le Jardin du Poéte (1955), Le Jardin du rêveur (1968) ,son magistral et testamentaire Le Chant du Monde ( 1957 -1966)" reflet de la grande histoire de l'être humain et de ses mythes et légendes"..
....Et de *L'Atelier aubussonais Tabard (1869 -1983):
Modestemenent crée à Aubusson en 1869 par François Tabard I (+1883), l'Atelier de Tapisserie Tabard remarqué lors des Expositions Internationales de Paris de 1878 et 1879 dut au cours des décennies suivantes ,tout en amplifiant et réorganissant ses locaux, limiter en raison des prérogatives "conservatrices" de la clientèle de l'époque limiter sa production à la création de tapisseries à destination mobilière (tapis,portières, sièges) ou de tentures inspirées de celles toujours fort prisées du XVIIIe siècle (sur des modèles de F.Boucher, Oudry). La vitalité économomique, la floraison de nouvelles tendances esthétiques dans le domaines des arts engendrées par La Belle Epoque (1889-1914) encouragent son fils, Léon Tabard (1872-1927) à tourner l'Atelier vers des créations résolument plus "modernistes"; ce que lui octroient sa coll aboration avec des artistes -décorateurs parisiens (Maurice Dufresne, Jules Coudoyer) ou son fidèle dessinateur-cartonnier, Elie Maigonnet (1892-1966) . Interrompu par la Guerre 14-18, cet élan novateur qui avait conduit l'Atelier de Tapisserie Tabard à s'imposer comme fournisseur des maisons d'ameublement de Luxe comme des Antiquaires à l'échelle européenne devait retrouver toute sa fougue à la fin des années 1930 sous l'impulsion de François Tabard (+1966) associé en 1920 avec son frère et ses soeurs à l'entreprise familiale.
Aguérri des largesses étatiques d epuis L'Expostion Internationale de Paris de 1937en faveur de l'Art Textile , fort de sa rencontre l' année suivante avec Jean Lurçat (1892-1966) -lequel dévouera sa démarche artistique comme ésthétique à rescusciter la primordiale ancestralité -, Ftançois Tabard engagera vers 1940 l'entreprise sur une voie résolument Moderne: abandonnant la production de copies d'anciens, l'Atelier se consacrera désormais à l'art contemporain et à la Tapisserie d'Artiste. Ainsi, outre le tissage de plus de 2000 panneaux émanant du fameux peintre-cartonnier, les Ateliers Tabard Frères et Soeurs exécuteront et éditeront pendant plus de vingt ans en exclusivité avec la galerie parisienne Denise René des oeuvres signées des noms les plus prestigieux de l'art contemporains tels que Victor Vasarely, Jean Arp, Sonia Delaunay en passant par des personnalités acquises à ce médium: Raoul Dufy, André Derain, Marc Saint-Saens, Dom Robert. En l'absence de descendance et de repreneur, l'Atelier Tabard d'Aubusson devait fermer en 1983 après avoir illustré le renouveau et le rayonnement d'un Art décoratifs des plus nobles.
Dimensions: H.: 178 cm x L.: 105 cm.
Matériaux: tapisserie au canevas en laine de couleurs sur trame unie.
Travail de l'Atelier Tabard Frères et Soeurs, Lissiers à Aubusson, XXe siècle. Circa 1959.
Bel Etat de Conservation.