Telle une fine guimpure aux ajours des plus recherchés, une précieuse marqueterie de laiton doré regravé, incrustée en contrepartie sur un fond d'écaille nimbe le plat supérieur comme les façades, les côtés de ce luxueux coffret. Sertie de filets simples ou dédoublés de laiton, celle-ci, centrée d'un cartouche chantourné ou de motifs floraux rayonnants, harmonise symétriquement en une virtouse résille fleurons, palmettes et volutes d'acanthe, rinceaux feuillagés fleuris ramifiés de tigelles vrillées et entrelacs piqués de passiflores stylisés, de tulipes écloses. Des listels, des bandeaux en placage de bois ébonisé formant encadrement intensifient de leur profond chromatisme ces compositions marquetées ennoblies du rougeoiement de l'écaille. Epousant sa forme rectangulaire aux proflis sensiblement galbés, d'ondulantes moulurations en bronze doré ciselées de rinceaux feuillagés galonnent l'abattant, le contour inférieur du coffret. Ouvert, il découvre un intérieur tendu de moire crème en partie capitonnée.
Ce remarquable ouvrage d '"ébenisterie en miniature" voué "aux mains si délicates", "aux yeux si exercés" d'une gente féminine choisie porte, gravée sur le champ de sa serrure, la signature de: "TAHAN Fr du ROI rue de la Paix 30 Paris". Nom qui à lui seul représenta au cours de la seconde moitié du XIXe siècle- et représente toujours pour les Amateurs- 'l'ébénisterie et la tabletterie fine de Paris" de cette période fasteuse en ce qu'elle induit de "cachet du luxe le mieux compris et de gracieuse élégance".
Cette estampille permet une datation de notre Coffret dont la confection est à situer entre 1845 et 1855- années au cours desquelles Jean- Pierre -Alexandre Tahan se vit successivement gratifié des titres de "Fournisseur du Roi et des Princes" puis de "Fournisseur de l'Empereur ".Sa qualité d'éxécution comme son élégance formelle sont simultanément mises en exergue par Juliette Lormeau dans un article consacré en 1847 à la Maison Tahan (Le Journal des Dames): "Les charmantes productions qui sortent de sa fabrique se distinguent surtout par le fini et le goût le plus parfait dans l'exéctution des détails artistiques (..) ;le dessin ainsi que la gravure y sont traités avec un soin tout aussi exeptionnel et qui place, sans contredit, la Maison Tahan au premier rang de cette industrie-les coffrets-, rang qui lui ait déjà d'ailleurs désigné par son titre de Fournisseur du Roi".
Par le choix de ses matériaux, de son répertoire ornemental inspirés des riches objets ou pièces mobilières créés au XVIIe siècle par André-Charles Boulle (1642-1732), ce Coffret où ,"la marqueterie se jouant sur un fond d'écaille bien choisie, est un ornement somptueux" (L'Artiste, 1847), participe du "Revival" Louis XIV qui traverse les arts décoratifs au cours des années 1830-1850.Et, ce au grand dam de la haute société de l'époque éprise des fastes aristocratiques de l'Ancien Régime. Interpréte émerite des désidératas de sa clientèle nantie ,Tahan sera loué comme "le Boulle moderne". En 1852, Edmond Texier n'hésitait pas à écrire: " M.Tahan , qui est le Boulle de notre époque, et de Boulle qui fut le Tahan de son siècle". (Tableau de Paris, T.2, 1852, p.164).