Merci à Antoine Lucas pour ces précisions sur le travail de son grand-père.
Victor Lucas (1897-1958) né le 24 août 1897 à Saint James (Manche), il grandit à Vire ou son père a une entreprise de tailleur de pierre. Encouragé par son professeur de dessin, il tente avec succès le concours d’entrée de l’École de Céramique de Sèvres. Victor Lucas bénéficie ainsi d’une formation artistique très poussée puis d’un enseignement technique de grande qualité. En juillet 1922, il obtint son diplôme d’ingénieur céramiste et se met aussitôt à la recherche d’un premier poste.
Jules Henriot qui souhaite moderniser sa Manufacture d’Art Breton à Quimper reçoit favorablement sa demande. Le contexte économique est particulièrement favorable avec le véritable démarrage de l’essor touristique de la région. Mais ce marché de plus en plus florissant est disputé par une faïencerie concurrente, la société Jules Verlingue, Bolloré & Cie. Dans cette véritable guerre économique, appelée « la guerre des Jules », les deux manufactures se livrent une lutte incessante. Cependant cette concurrence acharnée a des aspects positifs. Tout d’abord, une compétition sur un plan technique qui permet à Victor Lucas de moderniser l’outil de production. Ensuite un effet stimulant sur le plan artistique, l’entre-deux-guerres connait ainsi le second temps fort de la création céramique quimpéroise après les succès des productions d’Alfred Beau et des premiers décors bretons de la fin du XIXe siècle. Beaucoup d’artistes fréquentent à cette époque les deux faïenceries qui ont chacune leurs figures marquantes : René Quillivic (1879-1969) chez HB, Mathurin Méheut (1882-1958) pour Henriot. Les grandes Expositions internationales à Paris, incitent les deux manufactures à se surpasser. Celle de 1925 les honore de nombreux prix et contribue à révéler le groupe des « Seiz-Breur » qui ambitionne de renouveler l’art breton en alliant tradition et modernité. Leur lutte contre la « biniouserie » trouve un écho favorable auprès de Victor Lucas. En revanche, prônant l’universalité de l’art, il est critique sur leur concept d’art spécifiquement breton et ne les suit pas dans leur revendication nationaliste.
Fin mars 1941, il quitte Henriot pour HB et, malgré la conjoncture difficile de la guerre, assume pleinement sa fonction de directeur technique. En mai 1944, la fin des hostilités ouvre enfin des perspectives d’avenir, Victor Lucas donne alors sa démission, avec l’idée de concrétiser son grand projet, aboutissement de sa carrière d’ingénieur : créer sa propre manufacture.
Renouveler la faïence de Quimper et réveiller l'art populaire breton, telle est l'ambition de Victor Lucas lorsqu'il fonde la manufacture Kéraluc en 1946 (contractraction de "ker ar Lucas" "la maison de Lucas").