D’un geste gracieux, une élégante entrouvre un rideau de velours aux lignes souples, laissant apparaître un paysage au lever du soleil. Le caractère poétique de la composition est renforcé par le vent léger qui, émanant de l’ouverture, fait virevolter les riches étoffes dont cette dame est vêtue. Sa fastueuse toilette est complétée d’un arc et d’un carquois, ces attributs faisant d’elle une déesse de la chasse. Les similitudes physiologiques entre notre modèle et le Portrait de Ninon de Lenclos, peint par Louis Elle « le Père » vers 1650 (conservé au musée de Versailles), autorisent à penser qu’il pourrait s’agir d’une représentation de cette célèbre courtisane et femme de lettre.
Si le savoir-faire du portraitiste réside dans sa capacité à dévoiler l’esprit de son modèle, alors cette peinture est une réussite, tant elle reflète le caractère intime de Ninon de Lenclos (1620 – 1705) dont la figuration en Diane convoie l’idée d’une chasseresse des cœurs. A son sujet, le poète Gédéon Tallemant des Réaux rapportait qu’elle distinguait ses amants en trois classes : « les payeurs dont elle ne se souciait guère, et qu’elle n’a soufferts que jusqu’à ce qu’elle ait eu de quoi s’en passer », « les martyrs » qui n’avaient aucune chance, et « les favoris » qui recueillaient ses faveurs. Le Grand Condé, qui fut l’un d’eux, pourrait-il être le commanditaire de notre tableau ? Si le romancier britannique Horace Walpole alla jusqu’à la surnommer « Notre Dame des Amours », Ninon de Lenclos ne fut pourtant pas qu’une amante. En effet, elle tint un salon dès 1667 où se retrouvaient les grands esprits de son temps, tels La Fontaine, Racine et Lully.
Attribué à Louis Ferdinand Elle « le Père », notre portrait présumé de Ninon de Lenclos peut être rapproché d’un ensemble de petites huiles sur panneau, de même format et aux compositions analogues, qui lui ont été attribué par le Musée du Château de Versailles. Datées entre 1640 et 1660, ces peintures représentent des personnages importants de la cour, tels le maréchal Abraham Fabert d’Esternay, Charles Paris d’Orléans en Hercule ou encore Jean-Louis Charles d’Orléans en Persée. De son origine flamande, Louis Ferdinand Elle en a conservé un souci certain pour la représentation des matières auxquelles il imprime relief et éclat. La rapide pointe de blanc qu’il esquisse dans les yeux de son modèle lui confère un air espiègle que l’on retrouve à plusieurs reprises dans d’autres portraits féminins qu’il a réalisés (Portrait de Mme de Maintenon et de sa nièce de 1688, conservé à Versailles).
Nous avons chois de présenter ce délicat portrait dans un cadre français du XVIIe siècle en bois sculpté et doré à décor de feuilles d’acanthe et de rubans enroulés.
Dimensions : 33,5 x 25 cm – 48 x 40 cm avec le cadre
Biographie : Louis Elle, dit « Ferdinand le Père » (Paris, 1612 – Id. 12 déc. 1689) est le fils du peintre de cour, Ferdinand Elle, auprès duquel il apprit la peinture. Devenu membre fondateur de l’Académie en 1648, il prend la direction de l’atelier familial suite au décès de son père en 1649. Devenu professeur à l’Académie en 1659, il s’émancipe du style paternel en réalisant des portraits plus dynamiques sur fond de paysage, dans lesquels les modèles sont représentés en figures mythologiques. Ayant joui d’un succès certain, il compte parmi ses clients des personnalités importantes de la cour de Louis XIV, au premier rang desquels la Grande Mademoiselle, Madame de la Fayette ou encore Marie-Louise d’Orléans.
Bibliographie :