Ouvert, l'abattant foncé d'un miroir de toilette à poser découvre un intérieur gainé de maroquin aubergine richement garni "de tous les outils inimaginables pour (la) toilette recherchée" d'une Elégante de l'époque encline soit par convenances soit par goût personnel à voyager .
Ainsi, sont présentés sur un plateau amovible alvéolé ou logés en des casiers, boîtages élégamment revêtus de cuir aubergine aux exacts profils et dimensions des pièces collationnées, de féminins et coquets ustensiles essentiellement voués à la Toilette,.Ceux-ci sont judicieusement complétés par quelques accessoires (encrier, sablier et porte-plume) liés à l'activité scriptuaire d'une Dame de qualité aguérrie aux charmes de la Villégiature ou aux sortilèges de lointaines contrées.
Flacons à parfums (3), boîtes à fards, à poudre,.. (5) et pots à onguents (4) en cristal taillé facetté de motifs floraux étoilés ceints de listels de feuillages stylisés sont sertis , sur leurs formes géométriques épurées, de bouchons, de couvercles en argent. Remarquablement ciselés, ces éléments orfévrés se parent d'un fonds guilloché à motifs de chevrons soit rayonnants soit parallèles souligné d'un entourage de filets moulurés, enrichis en bordure sur certaines pièces ( boîte à savon, étuis rectangulaires à brosses ) d'un féminin décor d'ondulants noeuds de ruban Louis XVI à glands passementés aux ajours trés finement repercés . Toutes ces pièces d'un travail aussi délicat que gracieux sont "frappées" - à l'instar des pièces montées sur ivoire (brosses à cheveux et brosserie pour vêtements)- du chiffre ciselé ou gravé de l'heureuse et aristocratique détentrice de ce Nécessaire de Toilette raffiné par ailleurs enrichi d'accessoires en écaille de tortue (peignes, chausse-pieds) et, plus prosaîquement en acier (tire-bottines).
"D'une perfection de détail au-delà de tout éloge" (1837), ces pièces 'd'orfèvrerie appliquées à la toilette" enchâssées dans leur coffret de bois précieux marqueté de cet même élégant motif ornemental caractéristique du style Louis XVI sont soigneusement protégées par un coussinet de velours pourpre au revers doublé d'un soufflet porte-documents en soie moirée de nuance similaire.
Bel exemple des "riches et sompteux" Nécessaires de Toilette et de Voyage d'Epoque Napoléon III destinés à une caste sociale aisée et oisive, notre "meuble à main" ( coffret à pans arrondis renforcés avec poignées latérales affleurantes) encore doté de sa malette de transport en cuir fauve porte sur l'ensemble de ses pièces en argent ou en matériaux "de premier choix" (ivoire, écaille) les poinçons , le nom insculpté ou gravé de "AUCOC AINE",-à savoir celui du plus fameux représentant (Louis Aucoc dit L'Ainé) sous le Second Empire de l'industrie alors bien parisienne des Coffrets et Nécessaires de voyage. Son incontestable suprématie en ce domaine sera affirmée dans les années 1855-1856 par d'enthousiastes chroniqueurs (Henri Tresca, Benoît Duportail ) dépêchés à l'Expostion Universelle de Paris en ces termes: " "La Maison Aucoc date du siècle dernier; c'est la première au monde pour la confection de nécessaires riches de voyage"; "Aucoc est sans contredit, le premier fabricant d'orfévrerie de nécessaires".
Une signature prestigieuse
En regard de ce Nécessaire féminin -livré par Louis Aucoc Aîné à l'une des égéries de "son aristocratique clientèle"-, on adjoindra à son descriptif les propos tenus par Jules Mesnard en 1867 suite à sa flânerie au Champ de Mars près des vitrines de cette prestigieuse Maison d'orfèvrerie et de Tabletterie fort acclamées lors de l'Exposition Universelle de la même année: "Ce qui m'a paru caractériser principalement l'exposition de M.Aucoc , c'est la distinction. Les formes, le décor de toutes ses pièces étaient en parfait accord avec le style, et avec tout ce que j'appelerai l'esprit même de ces pièces.Ajoutez à tout cela une exécution trés soignée et du goût, et vous avez un total qui fait honneur à notre orfévrerie. On sera d'avis sur ces derniers points, en jetant les yeux sur des accessoires de toilette Louis XVI (..). Donc, ici, les lignes parlent de dignité et de noblesse.Cette orfévrerie conviendrait à quelque Dame un eu hautaine (la hauteur ne messied pas à tout le monde).Mais il faudrait qu'elle soit jeune et élégante. Ces guirlandes de fleurs et ces rubans légèrs appartiennent de droit à la jeunesse". En ces lignes, on retrouve ainsi évoquées l'émérite savoir-faire comme les nobles caractéristiques formelles, stylistiques du coffret et des pièces orfévrées de notre Nécessaire. Conçu par Louis Aucoc , cet ensemble est, de par "son décor trés homogène, ses ornements gracieux et légèrs", à dater des années 1860-1870-, décennie au cours de laquelle triompha sous l'égide de l'Impératrice Eugènie le Style Louis XVI.
Sobriété formelle anoblie par de luxueuses matiéres, ingéniosité des agencements valorisant les pièces orfévrées et, plus particuliérement délicatesse du savant travail de décor ajouré ciselé en bordure sur un fonds guilloché -prouesse technique qui sera la signature de la Maison Aucoc-, permettent de rapprocher plus concrétement notre Nécessaire de celui dit "Aux Armes de Napoléon III" de la Collection Hermès (voir n° 71-, présenté lors de l'exposition "Indispensables Nécessaires tenue aux Châteaux de Malmaison et de Bois-Préau en 2007-2008) fourni par Louis Aucoc Aîné à la Maison de l'Empereur dont il fût en ce domaine dés 1853 le Fournisseur privilégié .
De nos jours, objets de Collectionneurs ou d'"Amateurs du vrai luxe, de celui qui marie la grâce et la richesse" , les Nécessaires de voyage du XIXe siècle ravivent le souvenir d'un art de vivre raffiné tel que le mettait en scène Adolphe Bélot dans un feuilleton singulièrement intitulé "Le Drame de la rue de La Paix- donc sis en cette prestigieuse artère de la capitale toute dévolue à l'industrie du Luxe parisien, à ses émérites représentants- , publié dans L'Evenement du 28 mai : "En génèral, l'existence du Parisien est toute extérieure, il est reçu plus qu'il ne reçoit (...) De toutes les pièces de son appartement, son cabinet de toilette est celle qu'il fréquente le plus. Aussi, prend-il plaisir à l'embellir. Sur cette longue table de marbre blanc, resplendissent de magnifiques cuvettes de porcelaine et en argent, des flacons de toutes sortes, des boîtes élégantes, des brosses en ivoire de toutes les dimensions et pour tous les usages.Sur la cheminée, une pendule de Barbedienne, une statue de Clodion, et ça et là répendus un Nécessaire de voyage de chez Aucoc, un éventail, une cravache, une lorgnette, un livre entre-ouvert...C'est peut-être un boudoir, un musée plutôt qu'un cabinet de Toilette, mais c'était charmant".
Enjambant les siècles, les propos d'A.L.Levêque consacrés à la Maison Louis Aucoc "spécialisée dans la conception et la fabrication artistique de nécessaires somptueux, de luxueuses trousses de voyage" dont l'excellence valut à son principal protagoniste le titre honorifique de "Fournisseur breveté de L'Empereur, de l'Impératrice et de S.A la Reine d'Angleterre" ainsi que de, 1851 à 1878, de hautes distinctionss lors des grandes Expositions Universelles, demeurent tout aussi véraces voir intemporels qu'à leur époque: "Tout ce qu'invente M.Aucoc a un mérite précieux, c'est à part l'inimitable perfection qu'il y apporte, c'est, dis-je, le cachet de goût excellent que tous ces objets conserveront toujours.Il n'y a pas là affaire de mode, ou plutôt tous ces objets seront toujours de mode" (Compte-rendu spécial de l'Exposition Universelle, Classe 17).
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Paris, remarquable Travail d'ébénisterie et d'orfévrerie française de la seconde moitié du XIXe siècle par la Maison parisienne Louis Aucoc Aîné. Epoque Napoléon III, entre 1860- 1870.
Matériaux: Pallissande de Rio, laiton doré uni et regravé ; cuir , velours et soie aubergine; argent, vermeil, cristal taillé,;ivoire, écaille de tortue; tain.
Dimensions: Coffret: H.: 17cm; L.: 34 cm;-Pr.: 25 cm- Malette de protection:H. 17,5cm;-L.: 38 cm;-Pr. 26 cm.
Signature sous les couvercles, bouchons des pièces d'argenterie et accessoires en ivoire: "AUCOC AINE"
Poinçons Minerve 1ier titre ( 950 millièmes) sur l'ensemble des pièces à montures en argent: - Fabriquant: AUCOC Ainé.
Chiffre sur le coffret et toutes les pièces: initiales "D R" timbrées d'une Couronne comtale.
Paris, remarquable Travail d'ébénisterie et d'orfévrerie française de la seconde moitié du XIXe siècle par la Maison parisienne Aucoc Aîné. Epoque Napoléon III, entre 1860- 1870.
Trés bel Etat de conservation. Coffret vernis au tampon. Serrure fonctionnelle et dotée de sa Clé "trèflle".Garniture en argent Complète avec son coussinet de protection. Miroir de Toilette à poser à pied central amovible par un petit bouton sis à l'intérieur de l'abattant du coffret. Garniture en argent Complète avec son coussinet de protection. Bel état des pièces en ivoire et en écaille.Malette de transport d'origine en cuir .
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Littérature liée: Mabille, Gérard, Dion Anne, Indispensables Nécessaires, Catalogue d'exposition, Musées Nationaux des Châteaux de Malmaison et Bois-Préau, 24 octobre 2007-14 janvier 2008, Paris, RMN, 2008, pp. 54-56, Cat. n°60 (Nécessaire de Marie-Amélie) et Cat. n° 71 (Nécessaire aux Armes de Napoléon II).
Sources imprimées: Duportail, Benoît et alt., Le Travail Universel : revue complète des oeuvres de l'art et de l'industrie exposées à Paris en 1855, Tome II, p.514; -Tresca Henri, Visite à l'Exposition Universelle de Paris, Ebénisterie Coffrets et Nécessaires, Paris:1855, p. 716-Ebénisterie Coffrets et Nécessaires;- Mesnard, Jules, Les Merveilles de l'Exposition de 1867, Paris: 1867, pp.231-232..;-Belot, Adolphe, Le Drame de la rue de La Paix, in L'Evénement du 28 mai 1866, p;1-2;-Levêque, A.L., "Louis Aucoc Aîné, 6 rue de Paix à Paris- Compte-rendu spécial de l'Exposition Universelle, Classe 17", in: Le Journal des Consommateurs, 9 août 1855.