Ce tableau à la plastique duale est l’œuvre remarquable d’un peintre Italien peu documenté que nous avons étudié au travers de neuf articles dans diverses publications et d’un voyage en Sicile afin d’enrichir sa biographie et d’examiner ses autres peintures. Ainsi avons-nous rencontré les autorités civiles et religieuses et parcouru la région de Palerme en quête de découvertes.
Bien qu’Italien, Cristadoro emploie ici un schéma de composition propre aux écoles du Nord dans l’articulation des XVIe et XVIIe siècles, ce alors qu’il peint dans les années 1650 où l’art baroque triomphe partout en Italie. Au lieu de déployer une scène pleine de pathos conformément au goût pour les figures larges et empathiques, il choisit de représenter une foule de petits personnages s’étalant sur plusieurs plans, au premier rang desquels se déroule la nativité avec son cortège d’adorateurs où le peintre s’est représenté scrutant le spectateur. A droite, la Sainte Famille est isolée près d’une ruine antiquisante dans laquelle est improvisée une étable, ceci selon un schéma emprunté aux peintres du Nord au premier rang desquels figure Albrecht Dürer. A l’arrière-plan, toute une ville semble vivre et s’agiter, tantôt intéressée par la venue du sauveur de l’humanité, tantôt indifférente. Alors que certains s’agglutinent à droite vers l’étable, la plupart de ces petits sujets conversent, commercent ou chassent. Si petites soient-elles, ces figures relèvent bien d’une manière italienne, caractérisées par la recherche de la beauté plutôt que par le naturalisme. Enfin, alors que la majorité de l’architecture ornant la composition est italianisante ou antiquisante, le grand bâtiment à gauche est clairement inspiré de l’architecture civile des Pays-Bas avec son toit à pignon en échelons.
Cette interpénétration des iconographies nordiques et italiennes plonge le chercheur dans la plus grande circonspection. Pourquoi un artiste sicilien composerait comme un flamand ? A cette question, l’historien de l’art Vito Chiaramonte propose une réponse dans l’ouvrage collectif Mirabile Artificio, Pittura religiosa in Sicilia dal XV al XIX secolo : « … Cet aspect de sa culture figurative permet d'émettre l'hypothèse que la formation de Cristadoro a pu se faire auprès d'un maître flamand actif en Sicile tel Hyeronimus Gerards (1595 – 1648) ou d'un Sicilien qui s'est formé auprès d’un Flamand. »
Notre Adoration des Mages est signée et datée de façon non équivoque :
« SAC: D' MATTHEVS CHRISTADORO PINGEBAT/ANNO DOMINI 1657 » suivi de "P: D: PETRVS MARIA PIAGGIA A/ PAN/ F: F:" qu’on peut transcrire « Le prêtre Don Matteo Cristadoro l’a peint en 1657 pour Pierre Maria Piaggia à Palerme ». Matteo Cristadoro est donc prêtre, il est enregistré comme chanoine à la cathédrale d’Agrigento, ce qui lui laisse le temps de s’adonner à la peinture. Le commanditaire Pierre Maria Piaggia, protégé du cardinal Francesco Barberini, sera abbé commandeur de l’abbaye de San Martino delle Scale (Saint-Martin-des-Marches) en 1670 .
A ce jour, seules deux autres œuvres de Cristadoro sont répertoriées et conservées en Sicile : la première est une grande peinture d'autel représentant La Prédication de Saint François Xavier signée et datée 1650 à l’église Santa Agata de Caltanissetta, et la seconde une huile sur cuivre, elle aussi signée et datée de 1659 représentant Dieu le père peignant la Vierge au monastère de San Martino delle Scale.
Nous avons choisi de vous présenter l’œuvre dans un rare cadre espagnol ou d’Italie du Sud en bois sculpté et doré du 17e siècle.
Dimensions : 64 x 102,5 cm (80 x 119 cm avec le cadre)
Vendu avec facture et certificat d'expertise.
Provenance :
- Petrus Maria Piaggia (1597-1679), protégé du cardinal Francesco Barberini, en 1657.
- Sortie d’Italie lors de la suppression des ordres en 1866, entrée en collection privée espagnole.
- Ancienne collection de Luis Maria Aznar sénateur de la province de Santander entre 1916-1923.
Nos investigations ont permis de publier la première étude de l’œuvre peint par Matteo Cristadoro. L’ouvrage est édité en langue anglaise, italienne et française. Aussi, avec nos interlocuteurs Siciliens, avons-nous évoqué la programmation future d’une exposition réunissant les trois œuvres connues au Monastère de San Martino d’une part puis au Palais Abatellis de Palerme (musée régional des Beaux-Arts) d’autre part. Ces efforts doivent permettre de voir surgir des œuvres inédites conservées en collections privées afin d’étoffer le corpus de ce talentueux peintre Sicilien.
Bibliographie :