Portrait symboliste, Circa 1900
Huile sur toile
40,5 x 32,5 cm
49 x 41 cm avec son cadre
Signée ‘Coront’ en bas à droite
Né à Vanosc, dans le hameau du Cluzeau, où sa famille était établie depuis des siècles, Joseph Coront Ducluzeau intègre en 1879 l’atelier de peinture de Jean-Baptiste Danguin à l’école des Beaux-Arts de Lyon. Après avoir remporté en 1882 le grand Concours de l’École lyonnaise, il se rend à Paris pour suivre l’enseignement d’Alexandre Cabanel à l’École des beaux-arts. Visiteur régulier du musée de Cluny et du Louvre, le jeune artiste voue une prédilection pour les tapisseries médiévales et les maîtres du XVIIIe, tels Largillierre, Boucher, Nattier et Watteau. S’il établit son atelier dans la capitale, il reste très attaché à sa région d’origine et retourne régulièrement séjourner à Vanosc, y réalisant la décoration intérieure du château de la Rivoire. Outre les lyonnais François Guiguet et Louis Eymonnet, Coront se lie à Paris avec Alexandre Séon et est introduit par son ami le critique Alphonse Germain auprès du poète symboliste Jean Moréas, dont il illustre les vers au sein de la revue L’hémicycle en février 1901. Au début du siècle, le peintre fait valoir ses talents de décorateur, de paysagiste et de portraitiste sur les cimaises du salon de la Société Nationale des Beaux-arts, où il est remarqué et collectionné par les historiens de l’art Charles Saunier et Émile Mâle.
Tant par son sujet qu’au niveau technique, notre portrait illustre bien ce qui a fait le succès de Joseph Coront. Ce dernier représente une élégante jeune femme de trois-quarts, assise au bord d’une fenêtre à balustrade dont le rideau s’ouvre sur la mer, laissant apparaitre au loin l’architecture d’un phare. Détournant son regard de l’horizon, le modèle semble songeur, comme perdu dans ses pensées. Si le décor est traité de manière assez synthétique, Coront s’attache à traduire les effets de la lumière d’une fin d’après-midi sur le visage de la jeune femme, dans un clair-obscur finement modelé. Le pinceau subtil masque à peine le trait préparatoire au fusain, encore visible, qui vient comme cloisonner la figure. A l’arrière-plan, le paysagiste reprend ses droits en privilégiant une facture étrangement plus divisionniste. Pour retranscrire les légers ondoiements de l’eau, ainsi que les reflets d’un ciel sensiblement rosé, parsemé de petites touches orangées, l’artiste fragmente le bleu vert de la mer par l’application méthodique de traits orange vif. Autant d’éléments plastiques qui confèrent à ce portrait une dimension presque décorative. Il se fait également symboliste par l’expression énigmatique du modèle, qui apparaît comme égaré dans les méandres de sa vie intérieure, confirmant les éloges formulés par Alphonse Germain en 1897 : « Très observateur du caractère individuel, M. Coront excelle à écrire une physionomie et, parmi les déjà nombreux portraits portant sa signature, on n’en trouverait pas un, peut-être, qui n’est une âme[1]. »
[1] Germain, Alphonse, « Joseph Coront », L’Ermitage, 1er juillet 1897, p. 151.