Enrubannée de rouge
Lithographie en couleurs
Parfaite épreuve sur vélin, numérotée et signée au crayon
Toutes marges
Tirage à 250 épreuves
Timbre sec : Mourlot Paris
76 x 53,5 cm
Provenance : Succession René Gruau
Le coup de crayon de René Gruau est unique (...). Son style est intact depuis le début de sa carrière, et le restera.
Hubert de Givenchy
Paris, le 4 mai 1984
René Gruau naît en 1909 à Rimini d’un père italien et d’une mère française, qui lui donne son nom d’artiste. Alors que ses parents se séparent, il est contraint de travailler pour gagner sa vie. Il renonce à devenir architecte et commence en 1924 sa carrière d’illustrateur de mode. Autodidacte, il aborde le dessin de mode à l’âge de 15 ans, auquel il se consacrera pendant plusieurs années : aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu un crayon entre les doigts ; dessiner était une véritable manie, c’était en outre la seule chose que je savais faire ; je me suis donc essayé à des illustrations de récit, de couverture de roman, ai pris mon courage à deux mains, et je suis allé les montrer à la rédaction des revues et magazines que je connaissais.
Gruau s’installe à Paris en 1928 et commence à travailler pour des magazines comme Le Figaro ou la revue de chapeaux Marianne. À cette époque, il fait la connaissance du jeune Christian Dior, avec lequel il se lie d’amitié. Les collaborations avec les magazines féminins se multiplient : Gruau illustre notamment Vogue, Fémina, Marie-Claire, Silhouettes et L’Officiel de la couture. Il y dessine entre autres les modèles de Balenciaga, Fath, Piguet, Givenchy, Molyneux et Rochas. René Gruau se livre durant plusieurs années au dessin de mode, stimulé notamment par les créations de ses deux amis Christian Dior et Jacques Fath. En 1947, il s'oriente vers la publicité et réalise à cette époque l’un de ses premiers dessins publicitaires pour le parfum Miss Dior. Dix autres créations de parfumerie suivront, parmi lesquelles Diorama, Diorissimo et Eau Sauvage.
Christian Dior donne carte blanche à Gruau, lui laissant la plus grande liberté artistique dans ses créations publicitaires : l’artiste s’y épanouit pleinement. Il se consacre ainsi de plus en plus à la publicité au fur et à mesure que les magazines de mode feront la part belle à la photographie. Il crée de nombreuses campagnes dans les domaines de la parfumerie, de la mode ou de la cosmétique, réinventant sans cesse l’élégance à la française. Pour y parvenir, Gruau explique : je fais parfois 30 esquisses avant d’arriver au dessin définitif ; d’abord des esquisses de fantaisie, puis des esquisses de cadrage, ensuite, je prends un modèle et commence à faire des esquisses d’après le modèle... Enfin, c’est un travail très complexe.
À ce sujet, Fabienne Falluel explique : son travail commence par des "esquisses primaires", recherches destinées à fixer l’idée force. Elle est qualifiée par René Gruau de "sommaire". Il jette ainsi une dizaine d’esquisses, soit au crayon 6B, mine la plus tendre qui permet une grande souplesse, donc une rapidité accrue, soit au fusain qu’il peut ensuite effacer avec le doigt ou reprendre. À ce stade, les deux techniques, crayon ou fusain, sont utilisées à part égale. Vient ensuite "l’esquisse d’après nature" : la présence d’un modèle permet de concrétiser le mouvement, la forme, et de visualiser l’idée de base. Ce moment est selon René Gruau "d’une tension intense" et nécessite un grand effort physique qui entraîne une mise au repos. Ce sont le plus souvent des esquisses en noir et blanc. Après la vérité du dessin, René Gruau révèle : "Je fais la fantaisie". Sur un papier à dessin, parfois un canson, le plus souvent blanc, il commence la réalisation à l’encre de Chine, à la gouache ou à l'aquarelle. L’étape finale n’intervient qu’après cette longue quête et voit le jour sur un papier canson fort ou un carton pour devenir "le dessin", que nous restitue l’imprimé.
En 1949, René Gruau crée une première affiche pour Rouge Baiser, rouge à lèvres mis au point par Paul Baudecroux en 1927. Par la suite, il décline le thème et réalise plusieurs publicités. Il évoque toujours dans ses dessins une femme raffinée, à la fois élégante et sensuelle : Le sens de l’élégance est fait, on le sait, pour se perdre, dit Patrick Mauriès, et les images de Gruau témoignent toujours, sous une de leurs faces, d’un monde perdu – ce monde qui leur convient si parfaitement qu’elles en portent, aurait on dit au Moyen Âge, la "signature".
Les dessins publicitaires pour Rouge Baiser marquent les mémoires pour devenir iconiques. Gruau signe aussi plusieurs affiches publicitaires pour les parfums et cosmétiques Balmain, Jacques Griffe, Lucien Lelong, Jacques Fath, Elizabeth Arden, Payot, Peggy Sage ou encore Givenchy. Pendant plusieurs saisons, l'artiste est chargé d’incarner les campagnes des mythiques cabarets parisiens que sont le Lido et le Moulin Rouge. En 1961, il dessine également les costumes et les décors d’un opéra-bouffe, La Belle de Paris, monté à l’Opéra-Comique.
Le dessin de Gruau est parfaitement inscrit dans son époque, qui fait du corps une épure. Acteur de son temps, il a marqué plusieurs générations par son travail à la fois moderne et indémodable. Les œuvres présentées par la galerie sont les témoins de l'élégance inimitable du trait de René Gruau.