(Paris, 1867 – Cannes, 1957)
La pluie, Circa 1900
Huile sur toile
55,5 x 36 cm
64 x 46,5 cm avec son cadre
Provenance : fond d'atelier de l'artiste
Saisie à contre-jour sur le pas de sa porte, baignée par une lumière enveloppante sans doute atténuée par les nuages, une jeune femme a abandonné le balayage de son entrée pour tourner la paume de sa main gauche vers le ciel, afin de recueillir les premières gouttes de pluie. Lucien Monod réussit ici un tour de force en suggérant l’élément naturel par le seul geste suspendu, empreint de symbolisme, apparaissant comme une prière. S’il cache la totalité de ses traits, le profil perdu de la figure féminine souligne la sobriété de sa chevelure nattée tombant sur ses épaules, et renforce le caractère intimiste de la scène. Le peintre a choisi à dessein un cadrage vertical et resserré qui évacue une grande partie de l’environnement et permet de focaliser le regard sur le mouvement arrêté de la jeune femme. En engageant l’œil dans cette dynamique ascendante, Monod confère plus de force et de monumentalité à sa figure, et accentue ainsi la dimension symbolique de son œuvre. Notre regard se porte ensuite sur l’espace ouvert du jardin à l’arrière-plan, comme un havre de paix légèrement pentu où l’on semble invités à se faufiler. Derrière le muret de pierre, dans son potager de gros choux, le jardinier en bleu de travail arrête son labeur pour jeter un œil vers le ciel, renforçant ainsi la force narrative du geste occupant le premier plan. La composition fonctionne comme un instantané nous donnant l’illusion d’une scène saisie sur le vif. Bien qu’il soit possible que Monod ait utilisé la photographie, il revient ici à un processus créatif strictement pictural par l’utilisation d’une palette chromatique harmonieuse assez caractéristique du naturalisme : des bleus froids, des verts tendres sensiblement pigmentés de jaune, des bruns clairs côtoyant des gris perle. La touche varie entre les traitements finement modelés du premier plan, ceux plus synthétiques du jardin, et la facture plus fragmentée et impressionniste dans les frondaisons de la partie supérieure. Si le sujet puisé dans la simplicité d’un quotidien rural n’est pas sans évoquer les peintures de Jules Bastien-Lepage, Emile Friant ou Emile Claus, Lucien Monod se singularise en introduisant ici un point de vue inhabituel et original, à la frontière entre intimisme et plein-air, conjuguant l’héritage du réalisme à un certain symbolisme résolument moderne.