(Paris, 1867 – Cannes, 1957)
Projet décoratif, le ramassage des chardons, 1892
Huile sur toile semi-circulaire
36 x 72,5 cm
49,5 x 86 cm avec son cadre
Signée et datée ‘Lucien Monod / 1892’ en bas à droite
Exposition :
Probablement Salon de la Société Nationale des Beaux-arts de 1893 (cat. n° 764 : Chardon des dunes).
Né à Paris au sein d’une famille originaire de Suisse, Lucien Monod se destine à une carrière de peintre et se forme à l’Académie Julian de 1886 à 1889. Suivant l’enseignement de Pierre Puvis de Chavannes, il se lie d’amitié avec Ary Renan, et puise auprès du maître le sens du décoratif par l’application d’un synthétisme nettement marqué. A partir de 1891, il expose chaque année au Salon de la Société Nationale des Beaux-arts, sans doute encouragé par Puvis qui en assure la présidence après le décès de Jean-Louis-Ernest Meissonier. S’adonnant également à la gravure et à l’illustration, Lucien Monod collabore à la revue artistique internationale The Studio et publie dans L’Estampe moderne de mars 1899 La Voix des sources, une lithographie d’essence symboliste d’après un poème d’Henri de Régnier.
Peinte en 1892, l’huile sur toile que nous présentons illustre toute l’influence qu’a pu exercer Puvis de Chavannes sur les années de jeunesse de Lucien Monod. Outre sa facture très synthétiste, ses coloris clairs inspirés par l’art de la fresque, son thème intemporel comme son caractère proprement décoratif renvoient inévitablement à l’auteur du Bois Sacré. Dans un camaïeu bleuté seulement nuancé par le jaune du sable, l’artiste a représenté une jeune femme cueillant des chardons sur la plage, face à la mer. Occupant tout le premier plan de la composition avec ses fleurs bleues entourées de bractées épineuses, le chardon des dunes constitue un motif décoratif de choix largement employé par l’Art nouveau. Il permet en outre de situer la scène sur les côtes de Bretagne, où cette plante a été consommée pendant plusieurs siècles, et utilisée en particulier pour ses vertus médicinales. Le format semi-circulaire de notre toile peut surprendre, mais s’explique très probablement par le rattachement de cette composition au concours du décor de la salle à manger de l’Hôtel de Ville de Paris entre 1891 et 1893, auquel Puvis a sans doute invité Monod à participer. En effet, outre les trois plafonds, le projet se composait de huit tympans disposés sous des arcs plein-cintre, figurant sur le mode allégorique les travaux liés à la table, parmi lesquels la cueillette[1]. Après plusieurs tergiversations (le concours a été recommencé en 1893), c’est le peintre Georges Bertrand qui a été choisi pour réaliser un décor très naturaliste d’esprit, toujours en place actuellement. Probablement exposée au Salon de la Société Nationale des Beaux-arts de 1893 (cat. n° 764), notre toile se veut plus symboliste en ce qu’elle suggère l’âge d’or d’une pleine communion de l’homme avec une nature curative et bienveillante, alors que le soleil du soir illumine l’ondoiement des vagues de ses derniers reflets orangés.
[1] Cf. Cat. exp. Le triomphe de mairies – grands décors républicains à Paris, 1870-1914 (Paris, Musée du Petit Palais, 8 novembre 1986 - 18 janvier 1987), Alençon, imprimerie alençonnaise, 1986, p. 431-437.