Virginie au bain.
1843-1844.
Huile sur toile.
H : 61,5 ; L : 50,5 cm.
Exposition : Salon des artistes Vivants, Paris, 1844, n° 1615 : « Virginie au bain ».
Provenance : Collection Charles Philippe Amédée de Narbonne-Lara ; sa vente, Paris, hôtel des ventes mobilières, rue des Jeûneurs n° 42 (Ridel), 24 mars 1851, n° 54 : « Virginie au bain. ».
Durant les années 1840, Henri-Frédéric Schopin exécute une série de huit toiles formant sur l’histoire de Paul et Virginie, roman de Bernardin de Saint-Pierre publié en 1788. Virginie au bain, est exposé au Salon de 1844, sous le numéro 1643[1]. Le tableau fait suite à Paul et Virginie égarés et aux Adieux, premiers tableaux du cycle présentés au Salon précédent. Fait inhabituel pour une scène de genre de format réduit, le livret du Salon de 1844 précise le sujet du Virginie au bain par un extrait du roman de Bernardin de Saint-Pierre.
La scène est ainsi décrite minutieusement :
« Elle s'achemina, a? la clarte? de la lune, vers la fontaine ; elle en aperc?oit la source, qui, malgre? la se?cheresse, couloit encore en filets d'argent sur les flancs bruns du rocher. Mille souvenirs agre?ables se pre?sentent a? son esprit. Elle se rappelle que, dans son enfance, sa me?re et Marguerite s'amusoient a? la baigner avec Paul, dans ce me?me lieu, que Paul ensuite, re?servant ce bain pour elle seule, en avoit creuse? le lit, couvert le fond de sable, et seme? sur ses bords des herbes aromatiques. Elle entrevoit dans l'eau, sur ses bras nus et sur son sein, les reflets des deux palmiers plante?s a? la naissance de son fre?re et a? la sienne, qui entrelac?oient au dessus de la te?te leurs rameaux verts et leurs jeunes cocos. Elle pense a? l'amitie? de Paul, plus douce que les parfums, plus pure que l'eau des fontaines, plus forte que les palmiers unis; et elle soupire.[2] »
Virginie au bain ainsi que les deux premiers tableaux du cycle, exposés au Salon de 1843, sont très rapidement destinés à être gravés compte tenu de leur popularité et de leur potentiel commercial. L’interprétation en manière noire est confiée à Jean-Alexandre Allais. Ce dernier choisit d’exposer une seule gravure d’après le cycle de Schopin au Salon de 1845. Il s’agit de son Virginie au bain, renommé Bain de Virginie sous le numéro 2222[3] . L’œuvre refait surface lors de la dispersion de la collection du comte de Narbonne en 1851. Elle est identifiable sous le numéro 54 du catalogue[4], intitulée Virginie au bain. Le sujet est caractéristique de la vogue de l’époque romantique pour l’œuvre de Bernardin de Saint-Pierre, vogue déjà sensible depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’éloge d’une vie simple, au plus proche de la nature luxuriante de l’Île de France, est dorénavant doublé d’un exotisme fantasmé. Par ce sujet, les peintres peuvent déployer avec force détails pittoresques et couleur locale, prisés par les amateurs dans les années 1830. Le cadre en ogive, présent sur toutes les autres toiles du cycle de Schopin illustrant ce roman, s’inscrit enfin dans la tradition historiciste, héritée de l’art troubadour, à son apogée dans durant les années 1840. Henri-Frédéric Schopin, né en Allemagne en 1804 de parents français, fut l’élève de Antoine-Jean Gros avant d’obtenir un deuxième prix de Rome en 1830, et le premier en 1831. Ses débuts au Salon sont remarqués : il y expose une peinture d’histoire puissante et dramatique. Néanmoins, il affectionnera la peinture de genre, avec une touche précise et raffinée, il représente plusieurs scènes tirées de romans comme Manon Lescaut, les Mystères de Paris ou encore Paul et Virginie.
[1] Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure et lithographie des artistes vivants, exposés au musée royal le 15 mars 1844, Vichon, fils et Successeur de Mme V e Ballard, p. 200
[2] Idem
[3] Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure et lithographie des artistes vivants, exposés au musée royal le 15 mars 1845, Vichon, fils et Successeur de Mme V e Ballard, p. 274.
[4] Catalogue d'une précieuse collection de tableaux modernes, et d'aquarelles, et de quelques tableaux anciens, formant le cabinet de M. le Comte de N*** [Narbonne]…, imp. de Maulde et Renou, p. 10.