"Louis Valtat (1869–1952 ), Silhouette d'une bretonne vue de dos, dessin, cachet de l'atelier"
Louis Valtat (Dieppe 1869 – 1952 Paris)
Silhouette d'une bretonne vue de dos, c. 1895
mine de plomb sur papier
14,6 x 8,7 cm
cachet de l'atelier en bas à droite (Lugt 1771bis)
Très bon état
Encadré, sous verre
dimensions avec le cadre : 33,5 x 28 cm
Vaut mieux reluquer les croquis de Louis Valtat, ça grouille et ça a du nerf : celui-là n'a pas que son pinceau de poilu.
Félix Fénéon, « Balade chez les artistes indépendants », dans
Le Père Peinard, 9 avril 1893
Ce qui semble n'être qu'une évocation rapide d'un détail pittoresque se révèle en fait être un exercice de modernité par le dessin. Cette simplicité revendiquée, loin du romantisme, loin de l'impressionnisme, est déjà tout dans l'élan moderne. On pourrait presque compter le nombre de coups de crayon.
Louis Valtat, évoluant aux côtés de certains des plus grands novateurs en peinture, tels Bonnard, Vuillard, Signac, Matisse et Cross, cherche sans cesse et remplit de nombreux carnets lors de ses voyages. Ici, nous l'imaginons en Bretagne, certainement autour des années 1895-1890, lorsqu'il accumule des dizaines d'études, dessins et aquarelles (voir comparatifs et rapprochements en photo).
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Louis Valtat est né à Dieppe en 1869, dans une famille d'armateurs dont l'aisance financière l'a préservé, sa vie durant, de problèmes matériels. A partir de 1886, il commence sa formation artistique avec, fait assez rare, l'assentiment et les encouragements de son père, lui-même peintre amateur. Sur la recommandation du peintre Charles Gosselin, il est admis à l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris.
En parallèle de sa formation aux Beaux-Arts, Valtat fréquente, entre 1886 et 1892, l'Académie Julian, académie libre, rue du Faubourg-Saint-Denis, sous la responsabilité des peintres Gustave Boulanger et Jules Lefebvre. Il se lie d'amitié avec Albert André, l'un de ses amis les plus proches, ainsi qu'avec Pierre Bonnard, Georges d'Espagnat, Maurice Denis, Édouard Vuillard, Félix Vallotton, Marc Mouclier et Paul Sérusier. Ces amitiés se ressentent dans l'évolution de son art.
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Extraits de certaines études sur Louis Valtat, en rapport avec notre dessin :
Bernard Plasse, catalogue de l'exposition Louis Valtat et ses contemporains, Marseille, 2011
« Toutes les tentatives, pour définir clairement à quel mouvement rattacher Louis Valtat, sont restées vaines. Il est entendu que cet artiste a appartenu à de nombreux groupes novateurs de son temps et les a quelquefois précédés. Et il a su, par une élégante et profitable adaptabilité, faire preuve encore de nouveauté et d'invention, c'est-à-dire faire évoluer sa technique en se servant des acquis successifs et en conservant, d'une œuvre à l'autre, des différences essentielles. […] Il laisse regarder. A aucun moment, il ne raconte sa peinture. Il sait, pour avoir appartenu à tous les mouvements d'avant-garde du moment, qu'il participe, de fait, à l'art de son époque, lui aussi fait de toutes ses riches directions. »
Louis-André Valtat, dans le catalogue de l'exposition Louis Valtat : dans la baie, Arcachon 1895, Besançon, Roubaix, Bordeaux, 1993
« On ne saurait voir dans ces études, dessins et aquarelles, de simples croquis pris sur le vif. Malgré leur qualité d'observation, elles ne se présentent pas comme des comptes rendus objectifs de la réalité. En fait il est difficile, voire impossible de dire avec exactitude ce que font les personnages représentés dans des actions diverses, parce que, parti du réel, Valtat sait s'en détacher. Ce détachement du réel se traduit par un dessin non descriptif, elliptique. La dépendance de ces œuvres par rapport au réel, ou, pour mieux dire, l'affaiblissement de la référence à l'objet se traduit par une évacuation des données lumineuses. […] Cette attitude non objective de Valtat le conduit à plus qu'atténuer, à abandonner véritablement l'illusionnisme spatial ; certes l'artiste, dans quelques-unes de ces études, emploie les lignes obliques ou largement incurvées qui peuvent suggérer, si l'on veut, une certaine profondeur ; mais ce n'est pas évident, c'est le pouvoir expressif qui l'emporte. En aucun cas la lumière n'intervient pour modeler l'espace, pour distinguer des plans. Nous pensons qu'il faut insister sur la valeur expressive contenue dans ces études. Valtat y parvient par des moyens plastiques très simples. Il savait, comme Gauguin, que plus on est simple, plus on est expressif. D'où ce dessin synthétique, sténographique, ces formes non modelées, ces grandes lignes de force qui rythment la composition. »