Aquarelle sur papier signée en bas à droite: HENRI TENRE. Non datée. Encadrée sous verre.
Cadre rectangulaire en bois mouluré et stuc doré de Style Louis XVI à motifs ornementaux de perlés, de jonc rubanné de feuilles d'acanthe et de raies-de-coeur alternés de baguettes formant listels.
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En 1907, parmi les Intérieurs exposés par Henry Tenré au Cercle de l'Union Artistique de Paris un salonnier remarquait plus particulièrement l'un d'entre-eux "aimablement occupé par la silhouette gracieuse et rêveuse d'une élégante exquisement parisienne" (Notes d'art et d'archéologie, janvier 1907, pp.107-108). Pour être joliment suggestive, cette description s'ajuste néanmoins à notre aquarelle signée de l'artiste. Elle nous invite aussi à en proposer une datation (voir Biographie).
D'une subtile sophistication formelle, cette composition représentant avec finesse et précision une jeune femme assise, vêtue d'une seyante toilette, au sein d'un ample Salon XVI aristocratiquement meublé et surprise rêveuse en sa ludique activité artistique d'Aquarelliste, appartient au petit corpus "des morceaux charmants" traités par l'artiste au cours des années 1900-1910 (Dame regardant un tableau, La Lettre, Kate, ..) dont les critiques d'art louérent à l'unanimité " la délicatesse du pinceau qui distingue ( cet) habile aquarelliste".
On soulignera combien cette oeuvre de dimensions attrayantes révéle par son sujet- une jeune femme aquarelliste- comme par le cadre requis -un Intérieur -deux facettes essentielles du talent de l'artiste. Tout au long de sa carrière, Henry Tenré sollicita par tempérament ce médium en tous points adapté à sa sensibilité, à sa facture "large, attrayante et légère" (J.Copeau, Exposition des Aquarellistes Français, 1906). De fait, en ce blond modèle s'adonnant à l'instar des femmes du monde à l'aquarelle -agrément mondain- , doit-on voir au delà du caractère anecdotique du sujet choisi, un écho savoureusement "féminisé" voir direct aux modalités de créations d'Henry Tenré. En quête d'enchanteurs huis-clos, celui-ci aima à installer son chevalet, son matériel de peintre ou d'aquarelliste au sein d'ancestraux Intérieurs évoqués dans cette aquarelle. Meublé avec discernement ( bergère et fauteuils en bois doré garnis de soie bleue, bureau plat au galbe graçieux, sobre buffet-enfilade vitré, chenêts et vases d'ornement néo-classiques,..), un Grand Salon de Style Louis XVI aux lambris à rehauts d'or interrompus par une ample cheminée dotée trumeau peint et ornée sur son manteau d'un marbre d'Antoine Coysevox (Vénus accroupie, 1686)- rappelant à bien des égards certains Salons, Appartements versaillais peints par l'artiste à partir de 1898- sert d'écrin à cette composition respirant l'élégance. L'harmonie qui unit intimement la jeune femme à son environnement architectural et décoratif confère à cette aquarelle un doux onirisme traduit entre autres par l'expression et la gestuelle songeuse de l'artiste appréçiant , le pied pointant sous les plis de sa robe, le motif en cours d'exécution.
Des tonalités raffinées (blanc nuancé de gris, de mauve, bleus) , fines (or, rose poudré) touchées de brun, de noir lustré orchestrent cette oeuvre d'un charme exquis façonnée d'échos (médium de l'aquarelle/ Intérieurs, genre dont H.Tenré se fit une spécialité), de reflets d'un "passé vivant" adopté au tournant du XXe siècle par ses contemporains dans leur cadre de vie comme dans leurs loisirs.
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Un artiste de toutes les Elégances: Charles-Henry Tenré (Saint-Germain-en-Laye,14 octobre 1854-Paris, 29 janvier 1926)
Issu d'une famille aisée, Charles-Henry Tenré, artiste-peintre "intelligent ,consciencieux et, toujours délicat" sut en son temps conquérir par "son talent souple et son pinceau léger" les faveurs des critiques d'art comme celles du "public éclairé et élégant" parisiens. Fort de sa solide formation (1875-1885) à l'Académie Jullian (Ateliers de Jules Lefèvre et de Gustave Boulanger) complétée par un séjour auprès du peintre-paysagiste Edmond-Charles Yon (1836-1897),il appréhendera tout au long de sa carrière artisitique maints genres , maniera avec une égale finesse les médiums les plus variés (dessin aux trois- crayons, aquarelle, pastel, peinture à l'huile) tout en se forgeant un langage pictural personnel relaté alors en ces termes: " (..)les peintures ou les aquarelles de cet artiste ont le mérite de joindre à une indiscutable maîtrise d'exécution des qualités d'esprit et de sentiment.(..) Le talent, l'originalité de M.Henry Tenré proviennent plutôt de sa façon de voir et de sentir les choses que de la technique qu'il emploie pour les exprimer" (Revue Moderne des Arts et de la Vie, 1924,p. 10).
Régulièrement présentée aux Salons officiels de la capitale (Salon des Artistes Français, des Aquarellistes) , de Province (Salon des arts à Fontainebleau, 1888;Salon des Beaux-Arts de Bordeaux et d'Amiens, 1898, 1906) ou sur les cimaîses des galeries , des cercles en vogue (Galerie Georges Petit- expositions personnelles en 1896, 1904, 1908,1921; Cercle de l'Union artistique, de l'Epatant, 1907), son oeuvre vaudra à l'artiste récompenses et distinctions. En 1891, une mention honorable lui est décernée "pour ses tableaux (Un soupçon de poudre, Souvenir de Venise) marqués au coin d'un talent charmant mis au service d'un pinceau délicat et spirituel". Lors de l'Exposition Universelle de Paris (1900), une médaille de bronze honorera cet "artiste de talent, qui s'est inspiré des décorations des Palais de France pour ses charmants tableaux d'intérieurs élégants". Enchanteur et inlassable "historiographe des splendeurs pittoresques de nos vieux châteaux historiques (Versailles, Trianon, Fontainebleau ) depuis les années 1898, Henry Tenré se verra gratifié, suite à son érudite comme enthousiaste participation au Musée Rétrospectif élaboré en 1889 pour cette haute Manifestation de l'Art français (Aménagement d'un Salon Napoléon III; exécution de" quatre panneaux décoratifs de dessus-de-porte dans le goût d'Hubert Robert, d'une exquise attraction et d'une observation trés attendrie"; prêt d'oeuvres de sa collection privée) , du titre de Chevalier d'Honneur.
Artiste prolifique, Henry Tenré aborda "avec aisance"des genres picturaux diversifiés dont on ne peut qu' apprécier ,à l'instar de son biographe contemporain (André de Fouquières, 1905), la complémentarité par "le charme délicat", "la sincérité", "le culte de l'harmonie des tons" "et, toujours le goût le plus affiné et la distinction" qui émanent de ses toiles, pastels ou aquarelles. Auteur d' éventails (Roses trémières, Chardons, 1888) plébiscités par la société aristocratique, de portraits (Princesse Radziwill, les enfants de la Baronne de Noirimont , ) loués comme des "bijoux d'élégance et de mondaneité", il se fit au cours des années 1890-1910"l'anecdotier élégant et informé du monde où l'on s'amuse"où "la fantaisie s'appuie sur l'histoire du Premier Empire" (Un Cotillon, Gauloiseries, Castellane, Arrivée du Cocher d'eau, Un entretien au Théâtre de Valençay) , "restitue les modes et les physionomies " de ses contemporaines "avec une précision charmante" (Femme aux chiens,La Lettre, La Collation..). Sans renoncer à ces scènes de genre qui établirent sa réputation, H.Tenré se consacra à partir de 1898 au thème Versaillais-, motif pictural au tournant du siècle récurrent dans les arts. "Souvenirs d'une époque lointaine", ses toiles évoquant avec "une douceur poétique captivante" les automnales charmilles, les pièces d'eau des parcs paysagers ou les fastes passés des intérieurs des Demeures royales ( Parcs du Grand Trianon et Petit Trianon, 1899-1901;La pièce d'eau des Carpes, à Fontainebleau, 1903; Le Bassin de Neptune, des Quatre Nymphes, 1904; Salon Louis XV, Salon de Marie-Antoinette, Les Appartements du Dauphin, 1904) consacreront l'artiste comme "le peintre élégant des élégances du XVIIIe siècle" (La Presse, 1900).
Dans la mouvance de son époque, Henry Tenré aima par la suite à peindre "en des couleurs fines" des Intérieurs-genre alors florissant aux Salons- (Intérieur Louis XVI, Petit Salon Louis XVI, 1920. Boiseries grises, 1922; Boiseries Louis XV, au Musée Carnavalet, 1925), des Parisiennes 1920 enjoleuses ainsi que des "Souvenirs de Théâtre" lestement enlevés.
De cet artiste dont la production est représentée dans les institutions muséales parisiennes ( Musée d'Orsay, Le Carosse de la Saint-Sacrement, 1898: Musée Carnavalet: Le Jardin du Musée Carnavalet. Effet de neige, 1905), un critique d'art devait en 1924 énoncer les modalités d'inspiration et de création en ces tetmes: "M. Henry Tenré, ce fervent du XVIIIe siècle, cet admirateur des petits maîtres de l'élégance aux époques Louis XV et Louis XVI, a toujours cherché parmi eux ses modèles.Il a vécu dans l'athmosphère de Versailles.Dans ces nobles salons, dans ces sompteux Boudoirs où flottent encore aux yeux des initiés les ombres légères de Marie Leczinska et de Marie-Antoinette, de La Pompadour et de La Du Barry, il s'est trouvé chez lui.Il a tenté de fire revivre ces souvenirs en fxant le décor où ces personnages historiquesont vécu. Il l'a fait avec une sévére et sobre conscience."Mais également avec esprit et délicatesse.
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Ecole de peinture française de la fin du XIXe-début XXe siècle.
Dimensions: hors cadre: 52,5 cm x 41 cm. Avec cadre: H.: 72 cm;-L.: 60 cm.
Matériaux: Aquarelle sur papier; verre; bois stuqué et doré
Bel Etat. Aquarelle protegée par un verre. Cadre d'origine.