D’après un portrait de François-Hubert Drouais
Dernier quart du XVIIIe siècle
Cadre en bois doré d’époque Louis XVI
Restaurations d’usage
H. 64 x L. 54 cm (avec cadre)
H. 53 x L. 42,5 cm (à vue)
Le portrait de notre étude a été réalisé d’après un tableau intitulé « Le petit timbalier » peint par le célèbre portraitiste François-Hubert Drouais (1727-1775) vers 1769. Il s’agit d’un enfant posant à côté d’un petit tambour jouant avec des raisins, une pêche et du pain. Le jeune homme est habillé dans un costume miniature de timbalier du royal-cavalerie. Il représente en réalité Bernardin Armand Léon de Serent (1764-1796), le fils cadet d’Armand Louis, marquis, puis duc de Serent (1736-1822). Le tableau fait parti d’un ensemble de deux portraits. En effet, le « petit timbalier » est accompagné de son grand frère (Sigismond de Serent) « le petit page » habillé lui dans un costume de page du prince de Condé. Le tableau de notre étude est donc particulièrement touchant car il relève de l’intime d’une importante famille aristocrate. Leur père entre à 15 ans au service des mousquetaires du roi puis devient maître de camp au sein du régiment royal cavalerie pendant la guerre de 7 ans et en 1780 il est nommé gouverneur des enfants du comte d’Artois, du duc d’Angoulême et duc de Berry. Avec Bonne-Marie-Félicité de Montmorency-Luxembourg, ils ont quatre enfants : deux garçons (Sigismond Armand et Bernardin Armand Léon), puis deux filles (Anne Angélique Marie Emilie et Anne Félicité Simone). Ainsi, Drouais a reçu la commande de portraiturer les deux héritiers mâles de la famille dans des costumes faisant références aux fonctions de leur père. L’histoire des deux frères ne s’arrête pas là et se termine côte à côte puisqu’ils décèdent ensemble le 26 mars 1796 pendant la guerre de Vendée, assassinés dans un fossé, victimes de la Révolution française.
Ils sont ainsi à jamais représentés sur un même mur au musée Nissim de Camondo, puisqu’une paire est conservée dans ce musée. Deux autres versions ont été peintes par l’artiste (une présente dans la collection Schuette et l’autre conservée dans une collection privée après avoir été offerte par Emilie de Serent aux descendants des propriétaires actuels, mais exposée en 2003 dans l’exposition « Portraits d’enfants au XVIIIe siècle »). Une de ces versions a été présentée au salon de 1769 sous le numéro 61 comme le confirme le livret officiel conservé à la BNF et illustré par Gabriel de Saint-Aubin. Nous pouvons reconnaitre dans ce dernier le dessin au crayon de la composition du portrait de notre étude mais dans le sens inverse et dans un format oval. Nous pouvons en déduire que le peintre qui a réalisé notre tableau s’est appuyé d’une gravure pour le réaliser.
François-Hubert Drouais, dit Drouais le fils est spécialisé dans les portraits. Après avoir été l’élève de son père Hubert, celui de Donat Nonnotte, Carl Van Loo, Charles-Joseph Natoire et de François Boucher, il est reçu membre de l’Académie Royale en 1758. Il est notamment le peintre favoris de madame de Pompadour et recevra ensuite des commandes de madame du Barry. Il ne travaille pas uniquement que pour ses grandes figures puisque la cour et la famille royale font également appel à lui. Il devient portraitiste en chef à la cour de Louis XV et succède à Jean-Marc Nattier.
Il possède un talent particulier pour la mise en scène anecdotique où la présence d’animaux ou d’accessoires est très appréciée, comme en témoigne les détails de la composition de notre tableau. Il se distingue par ailleurs des autres portraitistes avec des tableaux d'enfants dont beaucoup sont célèbres aujourd’hui : « Le duc de Berry et le comte de Provence au temps de leur enfance », « Alexandrine Lenormant d’Etioles », « Les enfants du duc de Bouillon ». De plus, Drouais était coutumier des portraits d’enfants vêtus de costumes militaires. En effet, en 1773, il avait proposé un portrait de Jules Gabriel Timoléon de Cossé-Brissac en habit de cent-suisses.
Ainsi, nous observons une nouvelle tendance du portrait d'enfant dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. Cet engouement inédit s’explique par la publication de « L’Emile ou de l’éducation » en 1762 par Jean-Jacques Rousseau qui bouleverse les méthodes éducatives. La peinture galante du XVIIIe siècle est tournée davantage vers la recherche des émotions légères et l'enfant est un sujet parfait pour explorer ces nouvelles sensibilités. De cette manière, les enfants sont peints dans des poses tendres, en train de jouer, faisant l’expérience de la nature. La différence de cette période en comparaison avec les quelques portraits d'enfants des époques précédentes est que le « monde de l’enfant » est clairement identifié, l’enfance est une période de la vie à part entière. Toutefois, les mises en scènes restent flatteuses. Les historiens de l'Art s'accordent à dire que Drouais propose des regards fragiles, Greuze des études d'expression, Vigée-Lebrun des portraits sensibles et Fragonard de la légèreté.
Ces portraits ont différents objectifs : représenter un absent, symboliser sa présence (dans le cas des enfants éloignés ou des enfants vénérés). Certaines mises en scène insistent sur le rang de l’enfant, une manière de matérialiser la promesse de la descendance comme le prouve notre portrait où le jeune garçon porte le costume de timbalier du régiment de son père à l’âge de 5 ans.