Dans cette œuvre de grand format pour l’artiste, Eugène Brouillard offre une vision poétique et atmosphérique de Lyon, vue depuis les hauteurs de Caluire. Traversée par le Rhône, la ville se déploie sous un ciel changeant, dominée par la silhouette majestueuse de la basilique de Fourvière.
Spécialiste des paysages urbains et fluviaux, Brouillard saisit ici avec une grande sensibilité les effets de lumière et d’atmosphère. Le Rhône, occupant une place centrale, reflète les variations du ciel et accentue la profondeur de la scène. À l’horizon, la basilique émerge doucement de la brume, symbole spirituel et architectural de la ville.
Grâce à un point de vue panoramique, l’artiste parvient à intégrer harmonieusement la nature environnante et l’espace urbain, offrant une lecture ample et équilibrée du paysage. La technique picturale, faite de larges touches brossées parfois proches du pointillisme, apporte à l’ensemble une vibration lumineuse, renforcée lorsqu'on observe l’œuvre à distance.
La palette, dominée par des verts, des ocres et des gris bleutés, exprime une recherche subtile sur les atmosphères, créant une impression de calme brumeux. Le traitement du fleuve, avec ses aplats et ses reflets délicats, guide naturellement le regard vers la ville en arrière-plan, dont les contours se dissolvent dans la lumière.
Entre modernité urbaine et douceur du paysage fluvial, cette composition illustre parfaitement la capacité d’Eugène Brouillard à renouveler le paysage classique par une approche personnelle, sensible et novatrice.
Né à la Croix-Rousse en 1870, Brouillard commence sa carrière comme dessinateur dans une fabrique de dentelles. À seulement 14 ans, il travaille chez Dognin, une entreprise industrielle française spécialisée dans la fabrication de tulles et de dentelles.
En 1890, à 19 ans, il expose pour la première fois au Salon des Beaux-Arts de Lyon, présentant un fusain intitulé Sous-bois, représentant un paysage de Tassin, avec au premier plan l’Izeron. En 1898, il s’associe à Bruiset pour fonder un cabinet de dessin, mais ce dernier meurt l'année suivante. Brouillard se rapproche alors de la maison Routier-Chavan, ce qui lui permet de recevoir de nombreuses commandes et de devoir engager des ouvriers pour y faire face.
En 1922, il reçoit la commande de décorer la salle des fêtes de la Mairie du 3e arrondissement de Lyon avec 18 grands panneaux, formant une fresque intitulée Lyon, cité des eaux, d'une longueur de 66 mètres.
Les sujets favoris de Brouillard sont des paysages aux atmosphères particulières : des couchers de soleil, des paysages brumeux, des bords de fleuves, ainsi que des scènes prises dans le parc de la Tête d'Or. Il a une affection particulière pour les natures mortes. Il peint aussi des paysages lyonnais ou des scènes de la Dombes, représentant des mares et des étangs mystérieux, bordés de végétation luxuriante et d'arbres tordus et déformés.
Il trouve son inspiration dans la nature, mais aussi dans les œuvres de Poussin, des peintres de Barbizon, notamment Camille Corot, ainsi que de Baudin, Ravier et Vernay. Lorsqu'il parle de sa technique, il la qualifie de « cuisine », pleine de recettes imprévues et personnelles.
Vers 1912, ses œuvres commencent à afficher les gris caractéristiques de sa palette, et il commence à peindre au couteau, utilisant des larges aplats brossés pour donner texture et profondeur à ses paysages.