(Paris, 1836 – Nice, 1932)
UNE CHERETTE ET DEUX AMOURS
Fusain de format ovale
124 x 96,5 cm
Bel état de conservation
Dans son cadre d’origine en chêne naturel
Fin du XIXe siècle
« Si nous parcourons l’œuvre de cet ingénieux fantaisiste, nous trouvons dans des sujets imposés (…) une expression de vie très personnelle, décorative et humoriste, une senteur parisienne portée à son acuité suprême et se résolvant en ces gaz hilarants dont les effluences réjouissent et grisent les gens qui les aspirent. Pour tout dire, l’œuvre de M. Chéret est une dînette d’art exquise. »
Joris-Karl Huysmans
Seurat collectionnait ses affiches, Degas le surnommait « le Watteau des rues » et Forain le comparait à Tiepolo. Maître incontesté de l’affiche et grand novateur, Jules Chéret avait précédé l’Art nouveau. Fils d’un typographe, il reçut une formation de lithographe et d’imprimeur, tout en suivant les cours du soir de Lecoq de Boisbaudran à la Petite Ecole. Dès 1858, il se fit remarquer avec une affiche pour l’opérette d’Offenbach : Orphée aux Enfers. Parti six ans pour Londres afin d’y étudier les nouveaux procédés de lithographie, il revint à Paris et créa sa propre imprimerie en 1868, cultivant une spécialité pour les affiches de spectacles et de divertissements. Bientôt se développa son style, qui marqua l’industrie publicitaire de la fin du siècle : des femmes, - modernes, joyeuses et érotisées juste ce qu’il faut -, des amours, des Pierrot, des Colombine, plus toute une ribambelle d’allègres comparses, entraînés dans une valse aérienne, dansant en apesanteur, emportés en riant dans un tourbillon montant jusqu’au ciel. Ces images euphorisantes étaient servies par des aplats de couleurs franches et claires, dont les tons radieux étaient une signature de Chéret. Médaille d’or à l’exposition de 1889, l’artiste se consacra aussi à la décoration à partir des années 1890, soit pour des demeures privées comme celle de son mécène, le baron Vitta à Evian ; soit pour des bâtiments publics comme l’hôtel de ville de Paris.
Exceptionnel par ses dimensions, notre dessin montre toute la richesse d’expression dont Chéret était capable avec le seul noir d’un fusain, sachant accentuer son trait ou le dissoudre par l’estompe, avec de saisissants effets d’ombre et de modelé. Notre « chérette » – figure récurrente qui aurait été inspirée au peintre par la danseuse et comédienne danoise Charlotte Wiehe – danse dans le vide avec deux amours, comme si une femme moderne avait pris la place des Vénus qui peuplaient les ciels baroques. Elle tient un éventail, accessoire fétiche de Chéret, qui rappelle les estampes japonaises. Un formidable dynamisme anime la composition, montrant combien l’affichiste avait percé le secret du mouvement.
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