César Ducornet, né sans bras (1806-1856) Portrait de jeune fille

Louis Joseph César DUCORNET
(Lille 1806 – Paris 1856)
Portrait de jeune fille
Huile sur toile
H. 92 cm ; L. 73 cm
Signée en haut à gauche, datée 1837

Lorsqu'il vint au monde à Lille en 1806 au sein d'une famille d'artisans peu aisés, les médecins qui l'accouchèrent doutèrent moment que cet être pût vivre seule- ment quelques heures, tant il était contrefait. Ducornet était né sans bras ni cuisses, sans autre mouvement articulaire apparent que le bassin, et des pieds où l'on ne comptait que quatre doigts y com- pris le gros orteil ; cependant plus tard, ce fut uniquement avec ces seuls moyens d'action qu'il dessina et peignit ses tableaux en s'aidant aussi de la bouche.
Dès l'âge de douze ans il fréquenta l'école de dessin de Lille sous la direction de Watteau de Lille dont il devint l'un des élèves les plus habiles. Dessinant d'après le modèle et copiant les maîtres au musée, il remporta le Premier prix de dessin de sa ville natale en 1822 à seulement 16 ans. Le maire de Lille, le Comte de Muyssard, obtint du conseil municipal l’année suivante une somme de 300 francs pour faciliter la poursuite de ses études qu’il effectua à Paris dans l'atelier de Guillon-Lethière. Le Baron Gérard qui fut son protecteur, premier peintre du régime, se rendit auprès de Charles X qui accorda sur sa cassette personnelle une pension à Ducornet.

Grâce à ces subsides, il put vivre et se perfectionner à l'Ecole des Beaux-Arts, où il concourut pour le Prix de Rome de 1828 à 1831, sans succès. La faveur de ce peintre ne pâtit pas des revirements politiques et jusqu'à sa mort en 1856 la Surintendance des Beaux- Arts lui assura de nombreuses commandes. Il participa régulièrement aux Salons parisiens obtenant une médaille de troisième classe en 1840 avec La mort de la Madeleine (Lille, église Saint-André) puis une médaille de seconde classe l'année suivante avec Le repos de la Sainte Famille en Egypte (Paris, église Saint-Louis-en-l'Ile).

La critique évoque toujours l'infirmité de l'artiste et les livrets de Salons mentionnent à chaque fois "artiste né sans bras dessinant avec les pieds"; les contemporains ne laissaient pas d'admirer son courage: "en voyant les travaux de ce peintre sans bras, peut-on ne pas admirer la puissance de la volonté humaine et ne pas voir le plus éclatant triomphe de la force intellectuelle".

Telles qu'elles se présentent à nous aujourd'hui, les œuvres de Ducornet nous permettent de mesurer l’héroïsme de cet artiste, surmontant l'infirmité pour se hisser, au niveau des très bonnes productions historiques du moment.

Ce portrait, réalisé à trente ans par le peintre, est composé sur un fond de paysage, accompagné d’un rosier en fleurs. Cette jeune femme tient d’ailleurs une rose légèrement ouverte ainsi qu’une autre à l’état de bouton dans sa main. Doit-on y voire ici le synonyme d’une jeune fille qui n’est pas encore femme ?