Vierge à l'Enfant En Majesté, Pyrénées-orientales, Seconde Moitié Du XIIIe Siècle

Cette émouvante Vierge à l'Enfant s'inscrit dans l'un des corpus les plus riches de la statuaire médiévale : celui des Vierges en Majesté des Pyrénées Orientales.

Dès les premières décennies du XIIIe siècle, la célébration du culte mariale connaît une expansion sans précédent en Europe. Principal intercesseur entre les fidèles et Dieu, la Vierge, érigée en Théotokos (Mère de Dieu) depuis le concile d’Éphèse, devient le sujet de prédilection des tailleurs d'images. En effet, dans toute l'Europe, ces derniers se voient confier la réalisation de Vierges à l'Enfant destinées à orner les autels principaux des absides mais aussi, parfois, à être portées en procession, dans la continuité des rites romans. Cette saisissante sculpture est l'une de ces nombreuses créations.
Évoquant ici la célèbre formule de la Vierge dite « Trône de Sages » (ou Sedes Sapientiae) inaugurée à la période Romane, Marie se présente assise sur un banc, en Majesté, dans une attitude frontale et solennelle, supportant sur son genoux gauche le Christ assis. Cette composition s'inscrit dans la tradition des images de culte hiératiques du XIIe siècle, qui s'épanouit tout particulièrement au XIIIe siècle et au début du XIVe siècle dans les Pyrénées-Orientales, trouvant un écho au sein de quelques-unes des pièces phares datées du XIIIe siècle de cette production locale, comme Notre-Dame de Las Grades ou encore la belle petite Majesté provenant de l'abbaye Saint-Michel de Cuxa, aujourd'hui conservée en l'église Notre-Dame de l'Assomption de Corneuilla-de-Conflent. Le visage de notre Vierge, à l'ovale étiré marqué de deux petits yeux renflés, d'un long nez à l'arête droite et aux ailes fines, ainsi que d'une petite bouche pincée, évoque plus spécifiquement celui d'une Vierge à l'Enfant d'Espira-le-Conflent aujourd'hui conservée en mains privées, également datée du XIIIe siècle. Toutefois, sur notre sculpture, l'agencement des drapés en plis tubulaires lourds ayant tendance à venir se casser en V entre les jambes de Marie et du Christ annoncent ceux des Majestés locales du tout début du XIVe siècle, comme Notre-Dame de Vie à Amélie-les-Bains ou encore la Vierge de la niche du portail de Perpignan, aujourd'hui  conservée à Elne au musée Terrus. Ce motif adopté par notre sculpteur est apparu au cours du XIIIe siècle dans la moitié nord de la France et plus précisément dans le domaine royal. Il permet ainsi de dater notre Majesté de la fin du XIIIe siècle mais également de témoigner de l'influence et du rayonnement qu'exercèrent les modèles septentrionaux à l'époque, et ce jusqu'aux confins des Pyrénées.