« Une cour sans dames est une cour sans cour » écrivait Brantôme. Selon ce chroniqueur de la Renaissance, cette omniprésence inédite des femmes sous le règne des derniers Valois était à mettre au crédit de François Ier « qui considérait que toute la décoration d’une cour était des dames, l’en voulut peupler plus que de la coutume ancienne ». C’est tout naturellement que les artistes accompagnèrent cette mutation des mœurs par la réalisation de portraits d’un genre nouveau dont notre tableau constitue un vibrant exemple. Les caractéristiques physionomiques de notre modèle ne laissent aucun doute sur le fait qu’il s’agisse là de la deuxième fille d’Henri II et de Catherine de Médicis : Claude de France (1547 – 1575). Ici coiffée d’une résille ornée de perles, deux magnifiques colliers viennent enrichir sa robe aux manches galonnées dont le col relevé laisse apparaître une ravissante fraise godronnée. De fines touches empâtées accrochent la lumière et confèrent tout son éclat à une tenue dont l’opulence reflète le haut lignage de celle qui la porte. En effet, sous le patronage de Catherine de Médicis, le portrait féminin se doit de refléter les qualités attendues d’une dame : beauté, chasteté et piété d’une part, mais aussi fierté dynastique et esprit aristocratique d’autre part.
Cette grammaire visuelle, empruntant à la fois à la tradition flamande et à l’esprit de Léonard de Vinci, est à mettre au crédit de François Clouet à l’atelier duquel nous rattachons notre tableau. A la suite de son père, Jean Clouet, ce portraitiste favori de la cour parvient à décliner toute une gamme d’effets picturaux et redouble de virtuosité dans l’exécution des accessoires de mode à l’instar de ceux portés par notre modèle. L’art des Clouet est marqué par une recherche de véracité destinée à faire transparaître la vie intérieure des portraiturés. Ainsi, le sourire à peine esquissé par Claude de France lui confère une certaine douceur et crée un sentiment de complicité avec le spectateur qui, à la vue de cette œuvre, se remémorera ces quelques mots de Brantôme à propos de la vision de son roi, François Ier : « comme de vrai, une cour sans dames, c’est un jardin sans aucunes belles fleurs ».
Nous avons choisi de vous présenter ce portrait historique dans un puissant cadre à tabernacle en bois sculpté bruni et doré.
Dimensions : 31,5 x 24,5 cm le panneau - 65 x 51 cm avec le cadre
Notre composition doit être rapprochée d’une autre version conservée à la Pinacothèque de Munich, également attribuée à l’atelier de François Clouet. Selon la spécialiste Alexandra Zvereva, les portraits peints de Claude de France sont à mettre en rapport avec un dessin que François Clouet fit d’elle en 1558 (conservé au musée Bonnat de Bayonne), sans doute à l’occasion de ses futures noces. Si l’expression et les caractéristiques physionomiques de Claude de France sont en effet très proches entre ce dessin et notre peinture, cette dernière la représente toutefois à un âge plus adulte, sans doute dans sa vingtaine. Ici, ce n’est plus la jeune fille qui est portraiturée mais la duchesse de Lorraine, épouse de Charles III de Lorraine. Claude de France meurt en couche à l’âge de 27 ans, laissant derrière elle neuf enfants, dont Christine de Lorraine, future duchesse de Toscane, que Catherine de Médicis recueille et élève comme sa propre fille. Plusieurs portraits posthumes reprenant le visage de notre tableau sont alors peints jusqu’à la fin du siècle, sans toutefois égaler la qualité des œuvres de l’atelier de François Clouet dont notre composition est issue.
Biographie : François Clouet (Tours, c. 1515 – Paris, 22 sept. 1572) prend la succession de son père Jean en 1541 comme premier portraitiste de François Ier. Au décès de ce dernier en 1547, il passe au service du roi Henri II, père de Claude de France. Outre ses gages habituels, il reçoit de nombreuses charges qui attestent de la particulière reconnaissance dont il jouit auprès du souverain. Également très apprécié de Catherine de Médicis, il exécute de nombreux portraits dessinés que la régente collectionne avec minutie et dont Christine de Lorraine, fille de Claude, héritera par la suite. Le grand succès de la manière de Jean et François Clouet imposa leur nom à la postérité, au point qu’aujourd’hui, « un Clouet » est devenu une métonymie pour désigner les portraits réalisés à l’époque des derniers Valois. Jusqu’à l’aube du XVIIe siècle, de nombreux épigones s’inscrivent dans le style de François Clouet, tels son neveu et apprenti Benjamin Foulon, Etienne Dumonstier ou Jean Decourt.
Bibliographie :