Étude de figures féminines – Jour de marché
Crayon graphite
16,5 x 10,3 cm
Tampon de la signature en bas, au centre
Encadré, sous verre
Dimensions avec le cadre : 30,6 x 24 cm
Très bon état
* * *
Charmant dessin qui étudie, selon différentes postures, les silhouettes de femmes de tous âges, dans les gestes du quotidien, certainement lors d'une scène de marché Une feuille d'étude dont le style semble être à mi-chemin entre Eugène Boudin et Théophile Steinlen. Autant de passantes, que l'on croise chaque jour, mais que seul un peintre de ce talent prend le temps de regarder et de saisir d'une main rapide et précise à la fois.
Un bel écho entre ce dessin de Bertram et le dessin Louis Valtat, disponible sur ma galerie.
* * *
Nous citons, pour le plaisir, l'introduction du peintre et critique d'art Georges-Armand Masson, faisant l'étude et l'éloge de l'art d'Abel Bertram, en préface du catalogue d'une exposition entièrement consacrée à l'artiste, à la galerie Durand-Ruel, en 1959 :
« Abel Bertram n'est pas de ces peintres qui se définissent aisément. On a pu, tantôt le classer sous l'étiquette impressionniste, tantôt l'enfermer dans la cage des Fauves, avec ses amis Rouault, Marquet, Valtat, mais je crains que ce ne soit aller bien vite en besogne.
Il fait figure de solitaire, œuvrant à l'écart de toute école, et ne se souciant ni des modes ni des systèmes. Je me souviens d'avoir pensé, lors de ma première rencontre avec lui, qu'il aurait pu être gardien de phare ou berger. Il possédait cette noblesse naturelle que les métiers du silence confèrent à ceux qui les exercent.
L'art d'Abel Bertram ne livre pas du premier coup son secret. Il n'a, pourtant, rien d'hermétique. Mais il n'élève pas la voix. Son langage est discret. Il faut, pour le suivre, avoir l'oreille fine. Je lui dois des moments heureux, lorsque, dans le charivari de quelque Salon, où chaque peintre s'efforçait de hurler plus fort que les autres, je m'arrêtais devant sa toile pour en goûter la subtile harmonie de lignes et de couleurs.
Trois thèmes le tentaient alternativement: la Femme, qu'il aimait peindre, dans une pâte généreuse, avec une sorte de religiosité. L'Enfant, rieur ou pensif, dans la clarté des jardins, sur le sable des plages, l'enfant bluet ou l'enfant coquelicot parmi les blės. Enfin, et surtout, la Mer.
Né dans ce pays de marais, près de Gravelines, que le vent, sans répit, balaye, où la pluie brouille les formes du paysage, Abel Bertram est de ceux, avec Jongkind, Boudin, Friesz, qui ont su le mieux traduire l'inquiète mélancolie de la mer et sa changeante poésie. Il ne lui faut, pour cela, que quelques traits, quelques touches. Les droites contrariées des mâts que secoue la houle. La virgule d'un reflet. Le nerveux coup de pinceau qui sculpte le torse d'une vague ou qui bombe le ventre d'un nuage. Avec ce rien, comme les Japonais, il saisit l'essentiel. Et toujours le même tact, la même retenue, dans la densité de ses huiles comme dans la fluidité de ses aquarelles. Rien de trop.
L'œuvre d'Abel Bertram nous donne une grande leçon d'amour. D'amour de l'être humain, d'amour de la nature. La nature... Eh! oui. Ce peintre croyait encore à la nature, à ses ressources inépuisables. Nous avons changé tout cela. Nous recommençons l'orgueilleuse erreur de l'Ange rebelle. Au sortir de l'Ecole des Beaux-Arts, un jeune peintre ne peut moins faire que de recréer le monde. Je ne nie pas la grandeur de cette ambition, mais elle me paraît tragiquement insensée. Je l'ai dit maintes fois à mon ami le Diable, pour qui je nourris une vieille tendresse.
Que la nature ait fait son temps, possible. Mais pour combien de temps? Heureux ceux qui lui ont gardé leur ferveur. Ce sont les peintres de demain. »