Peu d’objets issus des cultures extra-occidentales ont suscité autant
de dédain et d’émerveillement que les têtes réduites (dites « tsantsa
») des Indiens Shuar de l’Équateur. Jadis symbole de la prétendue
cruauté des ethnies dites « primitives », la tsantsa est le produit
d’une série d’opérations taxidermiques ingénieuses s’étendant sur plus
d’une semaine. Selon Michael J. Harner, qui décrit le processus dans
la monographie « The Jivaro, People of the Sacred Waterfalls » (1972),
la production de la tsantsa relève d’un rite de protection. Car dans
le contexte des guerres intertribales, il importe de conjurer le
danger émanant de la muisak (âme vengeresse) du guerrier mort au
combat en la confinant à l’intérieur de la tête – d’où la bouche
fermée. Plus tard, l’anthropologue Anne-Christine Taylor (1985) a mis
en exergue l’importance des rites qui suivent l’homicide et la
production de la tsantsa : l’âme de l’ennemi mort au combat est non
seulement apaisée par les chants rituels des femmes du village, elle
est invitée à intégrer le groupe de son meurtrier qui, lui, est
d’abord expulsé puis réintégré dans son statut d’humain.
Selon l’ancien propriétaire, cette tsantsa aurait été collectionnée in
situ en Équateur en 1959 avant de rejoindre la collection d’un peintre
suédois. La tête mesure environ 12 cm en hauteur et 8 cm en largeur,
avec des cheveux qui s’étendent sur plus de 60 cm. Elle est dotée de
boucles d’oreilles constituées de plumes et d’élytres de coléoptères.
La bouche a été fermée à l’aide de fils en fibres végétales, qui
auraient été coupés dans la suite. L’intérieur est rempli de ouate de
rembourrage.
RÉGION : Shuar, Equateur
MATIÈRE : peau, cheveux, plumes, élytres de coléoptères, fils de fibres végétales
ÉPOQUE : 19e siècle ou début 20e siècle
DIMENSION : 28 x 18 cm (longueur 60 cm avec les cheveux)