Au coeur de tournoyantes fumeroles joliment ciselées en demi-relief de volutes stylisées prend place le cadran émaillé blanc de cette petite pièce horlogère aux lignes harmonieuses. Serti d'un généreux disque évoquant sans équivoque la forme circulaire du projectile de tir, ce dernier file les heures, les minutes en chiffres arabes peints en noir et rouge par deux aiguilles en métal repercé à motif de dard. Il est nanti à son revers d'un mouvement dit "à Coq" doté sur sa platine de deux roues aux tonalités respectivement argentées et dorées. L'une, pleine, à décor gravé d'ondes centrées d'un motif feuillagé rayonnant; l'autre, aux ajours orfévrés de fantasques chimères ailées , de délicats rinceaux d'acanthe feuillagée enserrés en des demi-disques ouvragés de masques de grotesques feuillus, de tigelles fleuries et fleurettes. L'ornementation raffinée du mécanisme de cette pendulette a pour auteur "l'horloger-graveur "parisien "Bastien"dont la platine porte insculptée en lettres cursives la signature. Répertorié par Tardy dans son Dictionnaire des Horlogers Français"( 1971,p.34) comme exerçant sa profession dans la capitale "rue Phillippeau en l'An IX " du Calendrier Républicain soit en 1800-1801, ces linéaments biographiques quoique succints nous permettent d'établir la datation de la pièce horlogère présentée.
Enfin, quatre pieds-toupies bagués d'une frise cordée porte cette atypique pendulette révélatrice au vu de sa silhouette gracile, de son ornementation pondérée et, plus encore, de son iconographie éclairée par une devise tout aussi surprenante des inclinations esthétiques comme des préoccupations et aspirations d'une brève période historique -le Consulat (1799-1804)- encore sous l'emprise des luttes intestines post-révolutionnaires ou des récents hauts faits d'armes de Napoléon Bonaparte (1769-1821).
Un modèle rare et singulier
On ne saurait en effet pleinement apprécier cette rare petite pièce horlogère sans se remémorer la volonté de pacification politique et militaire qui, sous la férule assidue de son principal héros -Napoléon Bonaparte- anima la jeune et fragile République. Ainsi, de son coup d'Etat du 18 Brumaire An VIII (9 novembre 1799) jusqu'à sa proclamation du Consulat à vie le 16 Thermidor An X (4 août 1802), furent promulguées de stratégiques ententes -Concordat de 1801, Traité d'Amiens du 25 mars 1802 , Amnistie des Emigrés du 26 avril 1802- qui, dans les tourbillons des implacables et fulminantes traînées de poudre passées et à venir, permirent la reconstruction et réorganisation sur un terreau apaisé du pays, de la nation française.
Délicieusement jouteuse, notre pendulette se fait l'inventif écho artistique de ces temps confrontés à bien de dilemnes diplomatiques et politiques. La présence du petit Angelot voletant nu, démuni de tout attribut amoureux (arc, flèches) ou militaires (casque, bouclier, glaive) au-dessus des nuées engendrées par la déflagration de la bombarde qui, pourrait sembler incongrue au premier abords, illustre la dynamique complexe qui se joue alors entre guerre et paix. En ces années transitoires précédants l'avénement du Premier Empire (1804-1814), la victoire des armes ( canon ) et de la Paix (angelot) prévaut et ce, non sans ambivalence, sur la Guerre. C'est ce que tend à illustrer de façon tacite cette pièce horlogère à l'intitulé- "Gare. La Bombe"- aussi intriguant que truculent.
Bel exemple de la verve créatrice des artisans bronziers et horlogers de l'époque dont ils traduisent les préoccupations, les voeux ou fantasmes, cette "spirituelle" pendule portative ne manquera pas de susciter l'intérêt de l'amateur, du collectionneur piqué d'épopée Napolénienne.
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Matériaux: Bronze doré; émail et acier
Dimensions: H.: 21 cm;-L.: 14, 8 cm;-Pr.: 6, 8 cm.
Travail parisien de la fin du XVIIIe-Début du XIXe siècle, Epoque Consulat, circa1800-1802.
Bel Etat -Dorure d'origine. A noter micro-rayures d'usage. Beau mécanisme au coq complet avec sa clé de remontage.