Bois de cyprès ou de cerisier, laque noir, or.
Japon.
Fin de l’époque Edo, début de l’ère Meiji.
h. 19,5 cm ; d. 53 cm.
Un bassin (darai 盥) japonais d’époque Edo ou du commencement de l'ère Meiji, accompagné de sa verseuse en bois laqué, décoré, au dehors, de feuilles et de fleurs de Corète du Japon (yamabuki ヤマブキ) et, au dedans, d’un semé dit d’aventurine.
Les bassins de ce genre étaient offerts dans les trousseaux de mariage des jeunes époux d'extraction aristocratique et bourgeoise, et devaient servir à la toilette des nouveaux nés.
Au Japon, l’emploi de la laque (urushi 漆), une sève extraite d’un arbre, le Rhus verniciflua (aussi appelé arbre à laque ou vernis du Japon) remonte au moins au VIe siècle. La résine, ayant été déshydratée par évaporation et par filtration, était appliquée, le plus souvent, sur des objets en bois de cyprès (hinoki 檜) ou de cerisier (sakura 桜).
Au VIe siècle, des techniques de fabrication et de décoration étrangères, et en particulier chinoises, ont pénétré le Japon en même temps que le bouddhisme, lui aussi d’origine étrangère ; c’est en perfectionnant certaines de ces techniques que les artisans japonais de l’époque Heian (Heian-jidai 平安時代, 794-1185) ont lentement mis au point une technique de décoration originale que l’on nomme le maki-e (蒔絵), c’est-à-dire image parsemée.
L’application de la laque pour le maki-e, longue et minutieuse, se faisait par couches successives : sur la surface en bois, préparée avec des couches d’apprêt, le laqueur établissait un fond à l’aide de plusieurs couches de laque poncées successivement ; c’est lors de l’application des dernières couches de laque, avant le polissage final, que les éléments du décor en métal, le plus souvent en or ou en argent, étaient incrustés ou appliqués.
L’hiramaki-e (平蒔絵), c’est-à-dire l’« image parsemée plane », est, par opposition au takamaki-e (高蒔絵), le type de laque d’or au relief le plus fin. Parmi les types d'hiramaki-e, le kōdai-ji maki-e (高台寺蒔絵), du nom du temple de Kōdai-ji à Kyoto, célèbre pour son immense décor en maki-e, est un style de laques apparu à l’époque Azuchi Momoyama (安土桃山時代, 1573-1603), caractérisé par un décor plus simple et plus épuré, où les traditionnelles scènes historiques ou littéraires sont remplacées, toujours sur un fond noir, par d’élégantes feuilles et fleurs automnales et dorées.
Le décor en peau de poire (nashiji 梨地), aussi connu en France sous le nom d’aventurine, est autre caractéristique de la laque kōdai-ji maki-e : la laque, comme l’épiderme d'une poire, est maculée d’innombrables paillettes d’or de forme irrégulière, qui brillent sur les fonds noirs. Le revers du couvercle de notre verseuse, et tout l’intérieur du bassin, sont semés de ces paillettes d’or.
Dû à leur fonction très spécifique et traditionnelle, les bassins de ce type sont rares en Occident, et ne font généralement pas partie des objets produits par les artisans japonais en vue d’être écoulés sur le marché occidental lors de la grande ouverture du Japon vers l’Occident à la fin du XIXe siècle.
Parmi les bassins, assez rares, présents dans les collections européennes (un magnifique darai du XVIIe siècle au Quai Branly ; un, plus petit, au Palais Pitti à Florence ; un autre, d’un diamètre à peu près égal au nôtre, à Copenhague), le plus proche est sans doute celui exposé, avec sa verseuse, au Musée Grassi à Leipzig. D’une hauteur égale au nôtre, d’un centimètre plus petit de diamètre, et bien moins richement orné, il est daté d’avant 1878, c’est-à-dire du commencement de l’ère Meiji, et possiblement de la fin de l’époque Edo.
Quelques traces d’usure et égratignures sont à noter, en particulier sur les pieds.
Sources
William Gerard Beasley, The Modern History of Japan, New York, 1963.
The Great Japan Exhibition. Art of the Edo Period. 1600-1868, Londres, 1982.
Iwao Seiichi, Iyanaga Teizo, et al., Dictionnaire historique du Japon, vol. XIV, Tokyo, 1988.
Joe Earle, dans Japanese Art and Design, Londres, 2009.
Marie-Josèphe Arrestays, « L’or du Japon : les techniques de décoration des laques japonais », dans L’Or du Japon. Laques anciens des collections publiques françaises, Bourg-en-Bresse, 2010.
Gérard Siary, Histoire du Japon. Des origines à nos jours, Paris, 2020.