Charles François Hutin, le Goûter de cerises, c. 1756 – dessin sur papier bleu

Charles-François Hutin (Paris, 1715 – Dresde, 1776)
Le Goûter de cerises, c. 1756
dessin à la pierre noire et rehauts de craie blanche sur deux feuilles collées,
papier préparé bleu
35 x 20 cm
Au verso, à la plume, "Hutin fec." et une indication au crayon (voir photographies)

Bon état, le bleu du papier bien conservé, ainsi que les rehauts de craie blanche
Encadré, sous verre
Dimensions avec le cadre : 46 x 32 cm

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Une scène de genre typique de la manière de Charles-François Hutin, montrant la vie quotidienne de paysans saxons qui étaient certainement au service du peintre, avec leurs costumes et coutumes. Au centre de la composition, cette figure trouble, que l'on pourrait imaginer être une nourrice ou une grand-mère se révèle être un homme, par comparaison avec d'autres œuvres de l'artiste.
En plus de cette étrangeté immédiate, le geste de donner à manger des cerises à un nourrisson, aussi délicat soit-il, se révèle être quelque peu ambigu, si ce n'est déroutant.

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Charles-François Hutin (1715-1776) est l'un des artistes français parmi les plus rares du XVIIIe siècle. Cet adjectif lui convient très bien, qui qualifie à la fois le peu de connaissance approfondie sur sa vie et sa carrière, ainsi que l'étrangeté qui se ressent parfois face au caractère massif des figures qu'il représente et au silence qui règne dans les intérieurs rustiques qui composent l'essentiel de son œuvre dessiné et peint.

Formé à Paris dans l'atelier de François Lemoyne, Hutin fut reçu à l'Académie de France à Rome, au Palais Mancini, dès 1735, et attendu comme l'un des beaux espoirs de la peinture française. En Italie, au contact du directeur de l'Académie, Jean-François de Troy, et de Michel-Ange Slodtz, Hutin changea de discipline artistique et devint sculpteur : c'est ainsi qu'il fut agréé puis reçu à l'Académie royale, de retour à Paris. Le Louvre conserve son morceau de réception, Caron, sculpture sur marbre de 1747 (aujourd'hui exposé au Louvre Lens).

Charles-François Hutin effectua l'essentiel de sa carrière dans la ville de Dresde où il fut nommé, dès 1748, premier peintre du roi Auguste III de Pologne (également désigné comme Électeur de Saxe sous le nom de Frédéric-Auguste II de Saxe). Hutin devint le directeur de l'Académie des Beaux-Arts de Dresde et sa carrière d'artiste et de maître d'atelier lui permit à la fois de répondre à des commandes publiques et de s'exprimer librement en peintre, le plus souvent évoquant des sujets de la vie quotidienne en Saxe. Les envois au Salon de Paris sont fréquents, même si Hutin n'a vraisemblablement que rarement revu la France. L'ouvrage le plus connu de notre artiste reste jusqu'à ce jour la suite de gravures qu'il réalisa et publia en 1753, en collaboration avec son frère Pierre Hutin : Recueil d'estampes d’après les plus célèbres tableaux de la Galerie Royale de Dresde : contenant cinquante pièces avec une description de chaque tableau en françois et en italien

Disciple de Lemoyne et de Slodtz, ami de Subleyras, de Chardin et maître de nombreux peintres et graveurs allemands de la seconde moitié du XVIIIe siècle, Charles-François Hutin est un artiste qui mérite d'être davantage regardé et étudié dans le détail.

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Le dessin que nous présentons ici est une copie à l'identique, mais dans une manière nettement plus assagie, d'un dessin de Charles-François Hutin conservé à l'Albertina de Vienne (voir photographie). Le dessin original, issu de l'atelier de l'artiste, n'est à relier d'aucune composition peinte connue ou répertoriée, mais, en revanche, il est possible d'identifier les deux personnages qui sont ici représentés.

En effet, ce dessin est à rapprocher des deux tableaux de Hutin conservés au Musée du Prado, datés de 1756 (voir photographies). Le portrait de la servante, à Madrid, avec les cheveux pris dans un linge, avec sa robe et ses pieds nus, rappelle la silhouette à l'arrière-plan du dessin, sur la gauche, qui étend un drap. Le portrait d'homme de Madrid est tellement ressemblant par sa stature et son regard qu'il ne fait aucun doute que c'est lui qui porte l'enfant sur ses genoux. Ce détail participe de l'étrangeté de Hutin dans le XVIIIe siècle : au lieu de dessiner une nourrice charmante, à la manière de Lépicié ou de Greuze, il choisit de donner ce rôle à un homme.

La petite nature morte qui apparaît dans la partie droite du dessin, cette assiette creuse qui contenait sûrement la bouillie pour le nourrisson, confirme le rapprochement avec les tableaux conservés à Madrid. Ces œuvres sont datées de 1756 : c'est certainement une date envisageable pour cette composition dessinée sur papier bleu.

Les dessins et gravures de Charles-François Hutin sont conservés dans certaines des plus belles institutions muséales, telles que l'Albertina de Vienne, le Kupferstichkabinett de Dresde et le British Museum. L'une des feuilles les plus remarquables de Hutin, figurant d'ailleurs le même paysan saxon que dans notre dessin, est passée successivement entre les mains de trois collectionneurs émérites, soit le Marquis de Chennevières, Louis-Antoine Prat, et Jeffrey Horvitz (vente Christie's New York, 1998, voir dernière photographie de la galerie).

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