Jean-Baptiste Greuze (1725 - 1805) - La Mort De Coresus

JEAN-BAPTISTE GREUZE
(Tournus 1725 - 1805 Paris)
La Mort de Coresus, vers 1750

Plume et encre brune, rehauts d'encre noire, lavis gris sur une esquisse à la craie noire, 455 x 385 cm

Porte au revers, en bas à droite, une inscription à l'encre brune "Fragonard Père"

Provenance
Probablement collection du père de Fragonard, XVIIIe siècle
Collection WGT
Henri LEDOUX (XXe siècle), son tampon en bas à gauche
Collection privée, Italie
Collection privée, France

Nous remercions Madame Yuriko Jackall, conservatrice en chef des peintures françaises de la Wallace Collection, Londres, pour avoir confirmé l'attribution à Greuze sur la base de photographies.

Inédit, cette grande feuille de Jean-Baptiste Greuze constitue une intéressante redécouverte à plus d'un titre, notamment sur le plan historique et iconographique. Le peintre des émotions, qui excellait dans la peinture de genre, a produit un nombre limité d'œuvres sur des sujets mythologiques comme celui-ci. Par exemple, la Marche de Silène, récemment aux enchères (Christie’s Paris, 18 mai 2022, lot 51, graphite, plume et encre brune et noire, lavis gris, 537 x 367 cm) ainsi que quelques Vénus et Psyché.

Dans notre feuille, le style graphique qui deviendra typique de Greuze associe encre brune et noire avec des lavis gris pour placer habilement lumière et ombre sur une esquisse à la craie noire. Le dessin peut être comparé au Départ du Jeune Savoyard, Historisch Museum à Amsterdam, daté de 1750-1760 (Greuze le Dessinateur par E. Munhall, cat. exp., New York, The Frick Collection ; Los Angeles, Musée J. Paul Getty, 2002, n° 56).

Exécuté avec la pointe d'un pinceau et en lavis gris-brun et rehaussé d'encre noire sur craie noire, ce dessin fougueux et lyrique est un exemple remarquable des premières œuvres de Greuze, réalisées principalement en lavis. La beauté et la force de ce dessin démontrent la virtuosité du jeune artiste, nourrie par les influences de ses contemporains. Il a également embrassé la monumentalité et la force qui créaient un impact visuel inhabituel. L'art de Greuze cherchait à illustrer la vertu telle que conçue par les philosophes des Lumières. Le contraste entre l'hédonisme souvent cynique du rococo et la glorification des sentiments vertueux chez Greuze est assez frappant.

Sujet hérité de Pausanias (VII 21), il ne semble pas se rattacher à aucune des peintures subsistantes de Greuze. Son style libre et sa façon de présenter la composition avec des traits rapides et audacieux et un lavis fluide annoncent déjà les futurs croquis préparatoires de Greuze, qui se rapporteront à ses plus grandes commandes peintes. Stylistiquement, il préfigure ses dessins de sujets d'inspiration plus classique, datant des années 1760 ; et même des œuvres plus matures comme La Prière du Matin, vers 1775, encre et graphite sur papier, conservée au musée Greuze à Tournus.

La capacité de Greuze à produire des images fortes d'une qualité presque théâtrale est incarnée dans notre dessin. Comme un décor de scène, ses personnages interagissent sous un rideau en arrière-plan, leurs gestes emphatiques transmettant le drame de la scène alors que Coresus repose sur son lit, Callirhoé agenouillée à ses côtés.

Fils d'un couvreur et architecte, Jean-Baptiste Greuze fut attiré par le dessin dès son plus jeune âge et montra très tôt un talent pour la peinture, ce qui poussa son père à le placer en apprentissage dans l'atelier du peintre lyonnais Charles Grandon. Greuze y développa sa technique picturale mais ne put forger un goût artistique précis faute d'une œuvre maîtresse à observer et copier. Il poursuivit ensuite son apprentissage à Paris à l'Académie royale de peinture et de sculpture, où il fut l'élève du célèbre Charles Joseph Natoire, Peintre du Roi. Ses débuts au Salon de 1755 furent un triomphe. Son Père de famille lisant la Bible à ses enfants connut un grand succès. Il devint membre associé de l'Académie et partit étudier à Rome de 1755 à 1757.

La redécouverte de notre composition raffinée complète le corpus graphique de l'œuvre de Greuze, et son importance est encore justifiée en ce qu'elle permet de saisir le style de l'artiste à une étape précoce.