Lettre autographe au citoyen Gaspard Gaufridy à Apt. (Paris) 9 nivôse (29 décembre 1795) ; 2 pages in-4°, adresse.
Miraculé, suite à la chute de Robespierre, le marquis de Sade, tout juste sorti de prison, essaye par tous moyens de trouver de l’argent. Il demande, avec une pointe d’ironie, à son homme d’affaires de vendre au plus vite son château de Mazan pour épurer ses dettes : « Je vous remercie citoyen, de l’attention avec laquelle vous m’avés fait passer mon numéraire par Perrin vous ne l’avés seulement pas vu, c’est de lui-même que je tiens le fait. Graces à vos bontés pour moi, je recevrai le numéraire lorsque les assignats vaudront mieux que l’argent, ce qui va arriver. Je recevrai mes bougies, quand les jours seront asses longs pour qu’on n’ait plus besoin de lumières. Mon huile quand il n’y aura plus de salade. Mes confitures quand on aura des fruits. En vérité, citoyen vous etes plein d’attention pour moi et je ne puis qu’en être pénétré. La vente du château de Mazan et de son jardin parterre presse plus que jamais il va être vendu d’ici, si vous ne vous pressés pas de terminer cette affaire. J’ai acheté et je vais me trouver écrasé d’intérêt, faute de recevoir de vous l’argent qui doit m’acquiter ; je vous supplie à genoux d’envoiyer votre fils terminer cette vente qui devient d’une telle importance je vous le repete pour la dernière fois, que si vous ne le faites pas tout de suite je vais ou vendre d’ici, ou envoiyer un homme exprés sur les lieux. Je vous supplie avec la dernière instance de m’envoiyer de l’argent et mon numéraire et des assignats, je suis à la veille de manquer. Croiyés vous que 80 mil francs de mon bled, et 29 mil francs de vous m’ayent conduit bien loin c’est 20 louis. Je vivrai avec décembre et janvier c’est tout ce que je puis faire le 1er février et je manque net si vous m’envoiyés pas tout de suite. Tachés donc d’envoiyer tout de suite un fort envoi afin que je ne sois pas obligé à vous harceler ainssi sans cesse car c’est bien ennuiyant pour tous les deux. – mon argent – des assignats en masse – mes provisions – l’état de mon bien pour 1796 – indemnités d’Audibert – grosse somme de Courtois – vente de Mazan et vous serés un homme très aimable (…) Ajout en marge supérieur : « Souvenés vous de tout ce que je vous ai marqué dans ma dernière au sujet de l’emprunt forcé. Prenés bien garde de me laisser taxer au dessus de 50. Je ne puis l’être pour davantage et faites entrer surtout en compensation les indemnités que j’ai à prétendre pour les ravages de la Coste. C’est sur ce bon là que j’ai fait ici ma déclaration en y annonçant que mon bien étant sous votre régie, c’étoit à vous qu’on devait s’adresser. J’ai défendu à Lion de rien faire sur cet objet sans s’entendre avec vous. Au nom de Dieu faites tout ce que je vous demande au bas de la 1ère feuille de cette lettre ci, car vous allés me ruiner par vos retards. »
Ayant échappé miraculeusement à la guillotine après avoir été condamné à mort le 26 juillet 1794 par le l’accusateur public Fouquier-Tinville, le marquis de Sade tente de refaire surface après les tumultes laissés par la Terreur emportée dans la chute de Robespierre. En 1795, il publie « Aline et Valcour, ou le Roman philosophique », qui passe inaperçu et, clandestinement, le sulfureux « La Philosophie dans le boudoir ». En 1796 il vend le château de La Coste, mais pour son malheur il est mis par erreur sur la liste des émigrés du Vaucluse, ce qui place ses biens sous séquestre et le prive de revenus.