En 1848, Charles-François reçoit une médaille de deuxième classe pour l’une de ses toiles exposées au Salon. Les médailles de première classe reviennent à Corot et Delacroix.
Puis il reçoit sa première commande de l’Etat : une eau-forte. Quelques années plus tard, en 1852, alors qu’il est de plus en plus remarqué au Salon, l’Etat lui achète deux toiles. L’une d’entre elles, « La Moisson », se trouve désormais au Musée d’Orsay.
Charles-François Daubigny fait alors fortuitement connaissance de Corot, qu’il ne connaissait que par son œuvre, et l’entente est immédiate bien que ce dernier soit de près de vingt années son aîné.
En 1853 Charles-François et Marie-Sophie on leur troisième enfant, Bernard.
Récompensé par de nombreux prix et médailles Charles-François voit son œuvre de plus en plus appréciée. Mais elle est aussi contestée par certains critiques qui la trouvent trop approximative.
Le Bateau-Atelier
En 1857, pour être encore plus près du motif et de l’eau qu’il aime tant représenter, Daubigny achète un bateau, qui jadis servait de bac : le « Botin ». Il y fait aménager une cabane pour pouvoir s’y abriter et le cas échéant, y dormir. Cela deviendra son Bateau-Atelier*.
Chaque été, il se rend à Auvers-sur-Oise, lieu paisible à quelques encablures de Valmondois, où il passa une partie de sa plus tendre enfance. Il fait de l’Ile de Vaux son principal port d’attache. Avec le « Botin » il parcourt les cours d’eaux et va même jusqu’à Honfleur. Karl, « le mousse », l’accompagne. Puis, après plusieurs séjours en Normandie sur la Côte Fleurie, il décide de revenir à Auvers-sur-Oise, pour s’y installer.
Sa notoriété s ‘affirme et Napoléon III lui achète sa toile « Etang de Gylieu » reconnue comme pur chef-d’œuvre. On est alors en 1860.
*Plusieurs années après, en 1873, Monet empruntera cette idée à Daubigny et il se fera également aménager un bateau-atelier.
Le Botin, esquisse
Le Botin, esquisse
Le premier foyer artistique d’Auvers-sur-Oise
La Maison-Atelier - Peinture de Léonide Bourges - Collection particulière
La Maison-Atelier - Peinture de Léonide Bourges - Collection particulière
Cette même année (1860) Charles-François Daubigny achète un terrain à Auvers pour y établir son « atelier à la campagne». Il s’intéresse de plus en plus aux jeux de lumière.
En 1861 le premier foyer artistique d’Auvers-sur-Oise sort de terre. La Maison-Atelier de Daubigny devient vite l’occasion de rencontres et de travail. Daubigny compte de nombreux élèves.
Aussi ses amis proches (Oudinot, Corot, Daumier, Geoffroy Dechaume …) parviennent-ils à le convaincre de décorer ce lieu magique et tout le monde s’y met. Corot, concepteur de la décoration de l’Atelier, y représentera des paysages d’Italie qu’il a aussi beaucoup aimés.
Au fil du temps le « Botin » prend de plus en plus l’eau, puis sa retraite. Il termine ses jours dans le jardin de la Maison-Atelier, comme buvette et abri. Il sera remplacé par le « Bottin », plus spacieux et mieux équipé pour la navigation. Cette nouvelle embarcation est opérationnelle en 1868*. À ce moment Bernard devient le mousse, tandis que Karl est promu capitaine !
* Les maquettes des deux bateaux ont été confectionnées par le descendant de Charles-François, Daniel Raskin. Elles sont exposées de temps à autre à la Maison-Atelier de Daubigny
Le défenseur de l’art nouveau, et l’ami fidèle
Dès 1866, Charles-François Daubigny soutient - avec son ami Corot - les artistes de la nouvelle école, comme Cézanne et Renoir. Mais il ne parviendra pas à les faire admettre au Salon. Cette même année il se rend en Angleterre où il expose deux toiles à la « Royal Academy ».
En 1868, Charles-François Daubigny réussit à imposer Monet, Pissarro, Renoir, Degas, Sisley et Berthe Morisot, déclenchant la colère du surintendant des Beaux-arts. Monet et Sisley étant refusés aux Salons de 1869 et 1870, Daubigny suivi de son ami Corot démissionnent du jury.
Daubigny gagne l’Angleterre en 1870 pendant la guerre. Les nouvelles ne sont pas bonnes ; les artistes français réfugiés à Londres se trouvent plutôt dans la détresse. Daubigny, par chance, croise Monet et le tire d’affaire. Bientôt Pissarro trouvera lui aussi du réconfort. Le marchand d’art, Durand Ruel, parviendra en effet à vendre quelques unes de ses toiles.
A la fin de la guerre de 1870, la famille Daubigny regagne la France et séjourne dans différentes communes avant de rejoindre Paris.
Le Salon, suspendu pendant la guerre, reprend et Charles-François Daubigny y expose deux toiles qui y seront vendues.
Après un voyage en Hollande en 1871, il accueille Monet et Pissarro à bras ouverts dans sa maison d'Auvers-sur-Oise, ainsi que d'autres jeunes talents, comme Cézanne arrivé à Auvers en 1872.
Les dernières années
La Neige, Musée d'Orsay - Paris - France
Lors du Salon en 1873 Daubigny obtient un grand prix grâce à sa toile « la Neige » aujourd’hui au Musée d’Orsay, malgré des critiques assez dures. Ces critiques font penser à celles proférées quelques années plus tard à l’encontre des Impressionnistes. Aujourd’hui, on considère Daubigny comme étant le précurseur majeur de ce mouvement qu’est l’impressionnisme.
“ …Je citerai un autre tableau de Daubigny, la Neige, qui était à l’exposition de peinture de 1872. On ne saurait rien imaginer de plus simple et en même temps de plus large. Les champs sont blancs de neige ; un chemin les traverse, bordé à droite et à gauche de pommiers aux branches noueuses. Et sur cette nappe blanche, sur les champs et sur les arbres, toute une énorme volée de corbeaux s’est abattue, des points noirs, immobiles et tournoyants. L’hiver tout entier est là devant nous. De ma vie, je n’ai rien vu de plus mélancolique ; le pinceau de Daubigny, délicat plutôt que puissant, a acquis cette fois-ci une force exceptionnelle pour rendre la vue morne de nos plaines en décembre. ”Emile Zola
Sa disparition
Les années passant, il a des ennuis de santé. Pour autant il n’abandonne pas ses escapades à bord du « Bottin ». De retour à Auvers-sur-Oise il achète une autre maison, près de la gare, mais n’y vivra jamais.
De plus en plus fatigué, il entreprend une dernière croisière en compagnie de ses deux fils, en direction de Rouen. Il revient auprès de ses amis à Auvers et l’hiver arrivant, il travaille dans son atelier de Paris.
Pris d’un malaise cardiaque, il décède le 19 février 1878.
Enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris, il repose auprès de Corot, son ami de toujours. Geoffroy-Dechaume sculpte dans le marbre son buste qui orne toujours sa tombe. Daumier n’est pas très loin d’eux. Ils avaient exprimé l ‘envie d’être enterrés proches les un des autres pour pouvoir continuer à rire ensemble …
"L'oncle m'a dit que Daubigny est mort. Cela m'a fait de la peine, je l'avoue sans honte,…Ce doit être une bonne chose d'avoir conscience en mourant d'avoir fait des choses vraiment bonnes, de savoir que, grâce à cela on restera vivant dans la mémoire d'au moins quelques-uns, et de laisser un bon exemple à ceux qui nous suivent."
Vincent Van GOGH, lettre àThéo, 1878.
Caveau de Daubigny (à droite), à côté de Corot. Cimetière du Père Lachaise - Paris - France