- Bronze en parfait état, plinthe du socle en marbre abîmée à deux coins et avec quelques traces de griffures.
- Jeunes Sprezzatura -
Jusqu'à la fin du XIXe siècle, Rome était la Mecque des artistes allemands, mais elle devait visiblement être remplacée par Paris. C'est surtout avec les Nazaréens, dont faisaient partie Peter von Cornelius, Friedrich Wilhelm Schadow, Friedrich Overbeck, Julius Schnorr von Carolsfeld et Joseph Anton Koch, que le pèlerinage à Rome devint obligatoire pour les artistes allemands en herbe à partir des années 1820. Bientôt, on parla même de « Romains allemands », qui s'installèrent également à Rome sur le plan institutionnel. En 1845 fut fondée l'Association des artistes allemands, qui exista jusqu'en 1915, et en 1913 fut inaugurée l'Académie allemande de la Villa Massimo, qui y réside encore aujourd'hui.
Après avoir séjourné à Paris en 1891, Fritz Heinemann s'installe à Rome l'année suivante. C'est là qu'il conçoit la statuette d'un jeune Romain, qu'il est fier de nommer « Roma ». La découverte artistique croissante du peuple date également du XIX^e siècle. Au lieu d'un David, dans la tradition artistique duquel s'inscrit le personnage représenté, nous voyons un jeune homme tel que l'artiste aurait pu le rencontrer dans la rue. Ce dernier n'accomplit pas non plus d'acte héroïque ou du moins ne fait pas référence à un exploit, à la différence de David. Il semble néanmoins volontaire et déterminé, bien qu'il ait sa veste sur l'épaule et qu'il se tienne dans une position presque décontractée. En revanche, ses bras sont croisés et son regard latéral est tout simplement déterminé. Malgré son attitude globalement décontractée, on sent la fougue de la jeunesse, bien qu'il ne sache pas encore où elle le mènera dans la vie.
Si le visage est idéalisé pour représenter le jeune homme italien par excellence, les vêtements, quant à eux, sont illustrés de manière d'autant plus réaliste. Chaque détail est travaillé avec maestria. La veste est un véritable morceau de virtuosité. C'est précisément l'habileté qui donne cette impression de naturel qui semble avoir été jetée. La théorie italienne de l'art a inventé le terme de « sprezzatura », dont Heinemann a manifestement voulu faire preuve ici, et qui fait apparaître l'artiste comme le jeune homme représenté.
Sur l'artiste
Après avoir fréquenté l'école d'arts appliqués de Nuremberg (1883-1885), Fritz Heinemann entreprit des études à l'Académie des Beaux-Arts de Berlin, où il suivit l'enseignement d'Albert Wolff, Fritz Schaper et Gerhard Janensch jusqu'en 1889. L'achat par le prince Albrecht de Prusse de son œuvre « Mère et enfant » pour le château de Camenz, présentée à l'exposition internationale d'art de Berlin en 1892, fut le prélude à de futures commandes d'État et permit à Heinemann de devenir un artiste très demandé dans les milieux bourgeois.
Il entreprit ensuite des voyages d'études à Paris (1891) et à Rome (1892). En 1897, Heinemann reçut la médaille d'or à Berlin pour son groupe « Heimkehr vom Felde ». En 1899, il fut nommé professeur de sculpture à l'institut d'enseignement du Musée royal des tissus d'art, où il enseigna jusqu'en 1905. En 1906, il entreprit un nouveau voyage d'études à Paris. De retour à Berlin, des années productives suivirent, au cours desquelles il présenta ses œuvres aux grandes expositions d'art de Berlin, de Munich et de Düsseldorf ainsi que de Dresde. L'empereur Guillaume II faisait également partie de ses clients.