- Patine très localement assombrie, luth avec perte d'une cheville d'accord, sinon excellent état de conservation.
- La Renaissance de la Renaissance -
Ce bronze est la réduction contemporaine, exécutée avec précision et coulée à la main, de l'œuvre principale de Paul Dubois exposée au musée d'Orsay, Le Chanteur florentin, d'une hauteur de 155 cm, pour laquelle l'artiste reçut la médaille d'honneur au Salon de Paris en 1865. L'œuvre a eu l'effet d'un fanal, à la suite duquel une multitude de représentations de jeunes gens ont été créées.
Inspiré par Donatello et Luca della Robbia, mais aussi par des peintres comme Piero della Francesca, Benozzo Gozzoli et Pinturicchio, le « Chanteur florentin » n'est pas une œuvre épigonale rendant hommage à une époque disparue, mais une tentative réussie de puiser la vivacité dans l'art du passé et de lui donner ainsi une nouvelle vie.
L'effet de vivacité est au cœur de la théorie artistique italienne de la Renaissance. Pour s'accomplir en tant qu'art, l'art devait apparaître comme la nature. Ce naturalisme caractérise également le « Chanteur florentin ». Le jeune homme semble avoir été pris sur le vif, ce qui est encore accentué par l'instantanéité de l'action. Il vient d'entamer un accord qui va maintenant s'éteindre. De plus, l'apparence naturelle est rehaussée par la mise en forme extrêmement détaillée de détails figuratifs, comme les lacets avec le cuir légèrement bombé des chaussures, la boucle de ceinture ou l'ornementation du corps du luth. Même les ongles des doigts sont clairement définis. Contrairement à la Renaissance, l'effet de vivacité ne repose toutefois pas ici sur la « découverte » de la nature et du corps humain, mais en premier lieu sur la redécouverte de l'art du Quattrocento. L'animation de l'œuvre d'art est donc en même temps une revivification de cet art, de sorte que l'on peut parler d'une renaissance de la Renaissance, tout comme les préraphaélites, à la même époque en Angleterre, font passer le Quattrocento dans l'art actuel.
Dubois s'attaque au plus difficile des sujets : la représentation du chant par la sculpture muette. À cet égard, Luca della Robbia et Donatello l'ont précédé avec leurs chaires de chanteurs créées dans les années 1430 au Museo dell'Opera del Duomo à Florence. En comparaison avec ces œuvres, la physionomie du chanteur de Dubois est bien plus immobile et pourtant, il illustre lui aussi le chant de manière convaincante. Pour cela, il a utilisé l'ensemble de son corps. Il reprend le contrapposto antique, essentiel pour la sculpture de la Renaissance, et transpose la posture jambe d'appui-jambe de jeu en un balancement en S de la fin du Moyen Âge, ce qui confère au corps une beauté extrêmement élégante tout en le plaçant dans un mouvement mélodique. Dans la position des doigts, également élégante, la musique s'exprime de manière bien plus littérale avec le battement du luth. Enfin, la musicalité de la sculpture culmine dans le visage avec la bouche ouverte sur le chant.
Par l'acte de chanter — et c'est un défi particulièrement grand pour la volonté artistique de représenter la beauté accomplie — la grâce du visage classique n'est pas coupée, mais encore augmentée. À partir du visage à la bouche chantante et du regard absorbé par les sons, une vivacité intérieure se propage, conférant à la sculpture en bronze une aura intense, amplifiée par la musique. Dubois transfère la beauté de la Renaissance dans le domaine musical et sublime la sculpture visible dans l'invisible de la musique.
Il a relevé le défi d'aller au-delà de la Renaissance avec la Renaissance, répondant ainsi a posteriori à la Querelle des Anciens et des Modernes, allumée à la fin du XVIIe siècle dans le milieu de l'Académie française et virulente jusqu'au XIXe siècle, où l'Antiquité était considérée soit comme un idéal inaccessible, soit comme un étalon à dépasser. Avec son œuvre, Dubois a apporté la preuve qu'il était possible d'ouvrir une renaissance de l'art à partir de la Renaissance elle-même, qui défendait l'art des Anciens.
Sur l'artiste
Le grand-oncle de Paul Dubois était le célèbre sculpteur baroque français Jean-Baptiste Pigalle, sur les traces duquel le talentueux petit-neveu a marché. Lors de ses débuts au Salon de Paris en 1858, il signa « Dubois-Pigalle ». Cependant, à la demande de son père, il étudia d'abord le droit avant de se consacrer à la sculpture en 1856 sous la direction de François Christophe Armand Toussaint et d'entrer à l'École des Beaux-Arts en 1858. De 1859 à 1863, il séjourna à Rome et entreprit des voyages à Naples et à Florence. Inspiré par l'art florentin du Quattrocento, Dubois initie un style néo-florentin qui fait école et qui associe les formes élégamment simples de la grâce juvénile à une richesse précise de détails.
Durant son séjour à Rome, deux achats de la part de l'État français (« envois de Rome ») lui valent la reconnaissance de Paris. De retour dans son pays, il devient rapidement un artiste de renommée internationale, dont les œuvres sont principalement réalisées en bronze, mais aussi en plâtre, en terre cuite et en porcelaine de Sèvres.
Dubois était également actif en tant que créateur de monuments. Son œuvre la plus connue est la statue équestre de Jeanne d'Arc (1896) sur le parvis de la cathédrale de Reims. Il était également portraitiste et a réalisé une cinquantaine de bustes et environ une centaine de portraits à l'huile.
De 1873 à 1878, il fut conservateur du Musée du Luxembourg ; en 1876, il devint membre de l'Institut de France ; et de 1878 à 1905, il dirigea l'École des Beaux-Arts.
En 1865, Dubois reçut la médaille d'honneur du Salon de Paris pour son « Chanteur florentin ». En 1867, il devint chevalier, en 1874, il fut promu officier, puis en 1886, commandeur de la Légion d'honneur. Il fut nommé Grand Croix en 1896.