- Papier légèrement assombri
- Fleurs qui saignent -
Malgré son format relativement petit, l'aquarelle, dotée d'un cadre intérieur, illustre de manière panoramique un paysage plat s'étendant jusqu'à l'horizon. À perte de vue, des coquelicots d'un rouge flamboyant s'épanouissent. Les fleurs ne sont toutefois pas travaillées individuellement, créant ainsi une surface rouge presque continue. Le rouge vif est entrecoupé de vert végétal. Un contraste complémentaire qui produit un effet de couleur intense. Dans ce contraste de couleurs, une zone blanche se fraie un chemin depuis l'arrière-plan, s'élargit vers le premier plan et entoure un trou brun. Le véritable protagoniste de l'image se trouve à côté, en bleu, et c'est lui que l'on voit en premier : un soldat mort. À côté de lui, on voit son casque, qui révèle l'intérieur vide. La forme creuse brune qui s'étend vers le bas correspond au trou dans le sol. Un entonnoir d'obus entouré de cendres claires qui, comme le casque inversé, devient le signe de la mort. Les bras du soldat pointent vers l'entonnoir, tandis que le casque vide paraphrase la calotte crânienne et, comme l'entonnoir, thématise l'obscurité vide de la mort.
Le corps du soldat est toutefois intact et n'est pas, comme dans le triptyque d'Otto Dix, « La guerre », un cadavre démembré. Au lieu de cela, Johannes Hänsch active le paysage, et en particulier les couleurs, pour illustrer un paysage de mort florissant, qui va de l'entonnoir d'obus à l'avant jusqu'à la colonne de fumée qui s'élève à l'horizon. Si le corps du soldat est intact, le barbelé placé de manière emblématique également au-dessus du casque vide semble, lui, déchiqueté. À droite de l'image, le fil de fer barbelé semble même « tendre les bras » vers le ciel. Dans le contexte de cette allégorie, le contenu du rouge vif devient également clair : le paysage est imprégné de sang, littéralement une mer de sang, et le soldat inconnu représente tous les morts sur le champ de bataille. Mourir à la guerre n'est pas mourir en communauté, mais en solitude. Pour souligner l'isolement dans la mort, Johannes Hänsch a placé le bleu du soldat dans l'axe donné par son corps, au milieu de l'image, dans la mer Rouge.
En tant que maître de la peinture de paysage, il parvient à créer une allégorie paysagère d'aspect naturel qui illustre l'horreur et la mort de la guerre, sans pour autant représenter la brutalité de celle-ci. Ce « monument aux morts » singulier dédié au soldat inconnu s'oppose à toute héroïsation ; et pourtant, la dignité du soldat décédé est préservée par l'intégrité de son corps.
Sur l'artiste
Fils du sculpteur Adolf Hänsch, le jeune Johannes reçoit sa première formation artistique dans l'atelier de son père à Berlin. Il décide cependant de devenir peintre et commence à étudier à l'Académie des Arts de Berlin en 1897. Il étudie d'abord avec Paul Vorgang et Eugen Bracht, et profite particulièrement de l'approche picturale du paysage d'Eugen Bracht, de plus en plus orientée vers la couleur. En 1901, il intègre la classe de Friedrich Kallmorgen, avec lequel il entreprend des excursions de plusieurs semaines dans la nature. En 1905, il devient finalement maître-élève d'Albert Hertel, auprès de qui il apprend l'art de l'aquarelle.
De 1903 à 1933, il participe chaque année à la Große Berliner Kunstausstellung, aux expositions de l'association des artistes berlinois et au Glaspalast de Munich. En 1905, il est honoré par le prix Carl Blechen. De 1917 à 1945 (année de sa mort), il séjourne chaque année en Silésie, où il a loué un atelier à Seitendorf an der Katzbach. Il se rend également presque chaque année dans les monts Métallifères, à Merano, et sur la mer du Nord et la Baltique pour peindre. Cependant, il reste également fidèle au paysage du Brandebourg, qu'il met en scène de manière totalement nouvelle, parallèlement à Walter Leistikow. Ses œuvres lui valent ainsi le surnom de « peintre du paysage de la Marche ».
Bibliographie sélective
Barbara Maennig: Landschaften des Berliner Meisterschülers Johannes Hänsch (1875-1945). Ein Weg zur deutschen Landschaftsmalerei im Spannungsfeld akademischer Lehre und künstlerischer Ansätze der Moderne, Berlin 2003.
Jelena Jamaikina (Hrsg.): Wanderungen durch die Mark. Der Maler Johannes Hänsch 1875-1945, Schwielowsee 2015.
Alexander Römer (Hrsg.): Zwischen Meeresbrandung und Wolkentreiben. Johannes Hänsch auf Sylt. Dresden 2017.
Richard Beetz: Johannes Hänsch in Schlesien - Der Berliner Landschaftsmaler und seine zweite Heimat, Schwielowsee 2021.