- petit écaillement dans la marge inférieure gauche, craquelure dans la partie supérieure
- Le secret d'un lieu insignifiant -
Heinz Roder illustre un paysage de moyenne montagne, qui ne présente toutefois pas de panorama montagneux ou de vue au loin. Il nous transporte dans un lieu situé un peu en dessous de la limite des arbres, au sommet d'une colline. Les sapins qui descendent vers l'arrière-plan indiquent que le terrain va à nouveau descendre. Au lieu de la vue sur le paysage environnant, un imposant rocher se dresse au premier plan de l'image et délimite, avec les sapins, le champ de vision. Roder transforme le paysage montagneux habituellement vaste en une scène à vue rapprochée et suit ainsi ce que l'on appelle le paysage barré du 18e siècle, qui maintient le regard dans le champ proche afin d'augmenter l'intimité de l'idylle représentée.
Ici cependant, nous ne voyons pas un locus amoenus, le lieu charmant d'un paradis restauré, mais plutôt un paysage rude, marqué par des forces archaïques, avec son imposant rocher, tel qu'il se présente dans le jeu des couleurs. Avec les rochers bleu-gris et les herbes ocre-jaune, le contraste complémentaire bleu-jaune, dans lequel s'insère également le ciel, est déterminant. Le vert foncé des sapins s'associe à la végétation moussue des rochers.
Avec une palette très réduite, Roder parvient à créer une harmonie de couleurs riche en tensions, dans laquelle s'inscrit également le contraste de la nature du paysage : les herbes douces en filigrane entourent la formation rocheuse dure. Roder évoque ces qualités matérielles avec un style impressionniste libre, presque une esquisse. Les herbes sont constituées de suites de traits rapides orientés verticalement, tandis que les rochers sont composés de couches de traits horizontaux. Il en résulte un moment de fluctuation qui confère au paysage sa vivacité spécifique et exprime l'aura du lieu représenté.