- La foi triomphe de la mort -
Balthasar Denner, connu pour ses portraits au style vériste et aux détails marqués, relève ici le défi artistique de créer un portrait idéal de femme. La difficulté réside dans le fait que la physionomie doit être conçue de manière à obtenir une individualité expressive, sans pour autant élaborer une multitude de phénomènes isolés qui masqueraient l'aspect idéal du visage. En conséquence, Denner n'a formulé les particularités du visage, comme la partie du menton, les orbites ou les ailes du nez, que dans la mesure où l'idéalité de Marie-Madeleine, purifiée intérieurement par sa pénitence, portée notamment par l'incarnation, n'apparaît pas ternie. L'impression de pureté immaculée est renforcée par la technique de la peinture sur cuivre, qui confère aux couleurs, et en particulier à l'incarnat, la préciosité d'une porcelaine translucide. Une transfiguration des couleurs qui culmine ici, en ce qui concerne le contenu de la représentation, dans l'éclat des yeux de Marie-Madeleine. Son émotion, dont témoignent non seulement son regard, mais aussi sa bouche légèrement ouverte, ne se manifeste pas par des mouvements extatiques, mais transforme son attitude presque statuaire en un mouvement intérieur : les bras inclinés, qui semblent flotter librement, correspondent à la tête inclinée dans la direction opposée, ce qui place le personnage dans un mouvement d'ascension qui dépasse le cadre de l'image. L'agitation intérieure de Marie-Madeleine est en outre renforcée par le tissu brunâtre qui sert de fond à son visage et qui semble l'envelopper par derrière, ainsi que par l'ondulation de ses cheveux sombres.
Le chemin menant à la Transfiguration est également illustré au niveau des couleurs : le vêtement bleu clair et léger du portrait présente un tissu intérieur rouge, et donc les couleurs mariales, ce qui illustre Marie-Madeleine en tant que successeur de Marie. Les couleurs douces de sa robe, y compris le jaune-brun de la draperie de fond, contrastent avec le rouge profond du tissu sur lequel repose le crâne et qui, avec ce dernier, évoque la Passion et l'éphémère. C'est à partir de là que se révèle le véritable sens du visage idéal de Marie-Madeleine : en se tournant vers Dieu, l'ancienne pécheresse surmonte le crâne qui s'enfonce dans l'ombre et obtient une nouvelle vie qui la comble déjà ici-bas.
« Certains portraits de Denner ont quelque chose de rêveur ».
Alfred Lichtwark
Dans le Hamburgisches Künstler-Lexikon de 1854 (vol. I, p. 49), on trouve la référence suivante au tableau proposé ici : « Dans la célèbre collection du chanoine Hasperg à Hambourg se trouvait une Madeleine de sa main ». Le tableau est également mentionné dans l'Allgemeine Deutsche Biographie : « Dans le domaine historique aussi, D[enner] a osé quelques tentatives dans sa période antérieure, ainsi sont mentionnés une sainte Madeleine, un Putiphar et une nymphe sortant du bain ; en 1731 encore, un saint Jérôme a été réalisé (musée de Dresde) ».
Le tableau sera intégré par Ute Mannhardt, M.A., dans le catalogue raisonné de Balthasar Denner en cours de préparation.
Sur l'artiste
Suite à un accident qui l'a rendu définitivement handicapé, Denner, âgé de huit ans, s'est mis à dessiner. Il fut guidé par le peintre hollandais Franz van Amama. Après le déménagement de la famille à Gdansk, où son père travaillait comme pasteur mennonite, Balthasar Denner apprit les bases de la peinture à l'huile. Après avoir travaillé de 1701 à 1707 dans le comptoir commercial de son oncle à Hambourg, Denner, qui utilisait chaque heure de libre pour peindre, fut admis en 1707 à l'Académie de Berlin, fondée peu de temps auparavant.
C'est avec le portrait du duc Christian August von Holstein-Gottorp et de sa sœur, réalisé en 1709, que Denner commença sa brillante carrière de portraitiste. Le duc l'invita au château de Gottorf, en Suisse, où il peignit un portrait de famille de 21 personnes. Ce n'est qu'en le suppliant que Pierre le Grand, lorsqu'il prit possession du Holstein, se laissa dissuader d'emporter l'œuvre à Saint-Pétersbourg.
De retour à Hambourg-Altona, il commença une chaîne ininterrompue de commandes de portraits. Denner peignit entre autres Frédéric IV de Danemark, qui l'invita en 1717 à Copenhague, où Denner séjourna dix mois en tant que portraitiste. Il se rendit ensuite à Wolfenbüttel et à Hanovre. Il y fit le portrait de la noblesse anglaise, ce qui lui valut une invitation à Londres, où l'exposition du Portrait d'une vieille femme fit grand bruit. Le tableau fut finalement acheté par Charles VI pour la coquette somme de 4 700 florins. Le monarque viennois conservait le tableau dans une boîte dont il gardait toujours la clé sur lui pour ne le montrer qu'à des personnes choisies. Pour ses tableaux, Denner avait l'habitude de confectionner de coûteux coffrets en bois fin et à cadre fermant à clé, de sorte que la contemplation de portraits qui semblaient vivants constituait un événement tout à fait particulier.
En 1728, Denner retourna à Hambourg, mais continua à voyager de commande en commande. Il se rendit d'abord à Dresde pour faire le portrait du roi de Pologne, Auguste II, puis à Berlin en 1730, avant d'emprunter la route d'Amsterdam via Hambourg, où il s'arrêta six mois, avant de revenir à Hambourg. Cette vie itinérante, l'une des plus demandées des portraitistes de son temps, ne devait pas changer. Les portraits du roi danois Christian VI, du tsar russe Pierre III et du roi suédois Adolf Friedrich comptent parmi les commandes les plus importantes. Après avoir séjourné à Brunswick pour réaliser les portraits des membres de la cour de Mecklembourg, Denner se dirigea vers Schwerin et Rostock, ses dernières étapes, sur ordre du duc Christian Ludwig II de Mecklembourg-Schwerin.
Les portraits de Denner ont circulé dans les cours de toute l'Europe et ont fait l'objet de nombreuses gravures. En 1739, une médaille d'honneur lui fut dédiée à Brunswick, avec la légende suivante sur l'avers : « Balth. Denner Hamb. Heinrich Brockes, dont Denner avait fait le portrait des enfants, a chanté son art dans plusieurs poèmes.
Sa grande estime auprès de ses contemporains a été suivie d'une phase de dévalorisation : dans la théorie artistique de la fin du XVIII^e siècle, les portraits de Balthasar Denner sont devenus l'exemple négatif d'une peinture qui ne fait que reproduire méticuleusement les choses, et qui est donc dépourvue d'esprit et d'art. Cela a conduit à l'oubli général des magnifiques performances de caractérisation de Denner, qui rivalisent avec les portraits d'un Dürer par la prégnance convaincante des détails.
« Denner était incontestablement l'un des plus grands portraitistes ; ses portraits n'avaient pas seulement le mérite d'une excellente ressemblance, mais étaient d'une exécution magistrale ; on trouve rarement une chair aussi belle et transparente, pour la réalisation de laquelle il se serait servi d'un vernis qu'il préparait lui-même et dont il gardait la composition secrète. »
Dictionnaire des artistes hambourgeois
« Dans son art du portrait [...] Denner fait preuve d'une expérience picturale très remarquable et d'une grande sensibilité psychologique ».
Horst Appuhn dans la Nouvelle biographie allemande.
Sélection de lieux possédant des œuvres de Balthasar Denner dans des collections publiques
Amsterdam, Berlin, Braunschweig, Brême, Breslau, Dresde, Hambourg, Kiel, Copenhague, Lübeck, Munich, Paris, Riga, Schwerin, Stuttgart, Saint-Pétersbourg, Vienne, Wolfenbüttel.