- Carton à peindre légèrement déformé, minimes taches dans la partie inférieure.
- Le naturel de la forme artistique -
Nous voyons une ballerine qui enfile son chausson de danse droit alors que le gauche est encore posé sur le sol devant elle. C'est précisément de la désinvolture de cette scène que se nourrit son intimité : la jeune femme blonde est entièrement absorbée par son activité de préparation à la danse, sans nous voir, alors que nous sommes situés juste devant elle, dans le vestiaire inaccessible au public, et que nous la regardons s'habiller. Même si elle n'exécute pas encore de pas de danse, il y a dans l'action montrée une élégance gracieuse qui, contrairement à la forme artistique étudiée de la danse, semble tout à fait naturelle. La jeune femme ne se présente pas devant un public dans un mouvement parfait, mais accomplit un acte quotidien sans savoir qu'elle est regardée. Concentrée, presque dévouée, elle enfile le chausson de ballet sur les orteils et ne remarque pas qu'une bretelle du tutu a glissé de son épaule, ce qui renforce encore le moment érotique de la scène.
Karl Stohner a réalisé cette représentation inspirée d'Edgar Degas dans des tons pastel vifs. Le bleu et le turquoise dominants confèrent à la scène un aspect magiquement mystérieux ; ces couleurs sont empruntées, tout comme le rose des bas et des chaussons de ballet, aux danseuses représentées par Degas. Les couleurs de Degas sont toutefois plus froides, comme en témoigne la clarté appliquée au pastel. La plénitude de vie d'Auguste Renoir fait ici son entrée dans le tableau et dévoile la danseuse entièrement faite de chair et de sang. Karl Stohner, qui a étudié en détail les pastels de Degas et de Renoir, marie ici les deux artistes et crée ainsi son propre langage pictural.
Il a réalisé l'arrière-plan en larges couches de traits dont les couleurs vont du blanc au bleu foncé en passant par le turquoise. Il en résulte une structure dynamique en forme de motif qui contrecarre l'attitude calme et introvertie de la femme. Le fond anticipe en quelque sorte la dynamique de la chorégraphie de la danse à laquelle la ballerine se prépare. En même temps, le fond thématise le large trait de pastel comme moyen de peinture adéquat pour illustrer la douce élégance fluide de la danseuse.
Sur l'artiste
Contrairement au souhait de ses parents fortunés, Karl Stohner décida de devenir peintre. Son talent fut découvert par le directeur de la Kunsthalle de Mannheim, Fritz Wichert, qui l'encouragea dès lors et finança des voyages d'études, notamment à Paris. C'est à Paris qu'il découvrit l'art de Degas, Cézanne et Renoir, qui l'inspirèrent dans sa création.