Offert à sa petite-nièce Amélie de Bourbon, Infante d'Espagne
Bracelet en cheveux finement tressés de la reine Marie-Amélie, centré d'un médaillon ovale en or incrusté d'un portrait miniature, malheureusement non signé, figurant la Reine des Français, épouse du roi Louis-Philippe, d'après le portrait d'Ary Scheffer de 1857 conservé au Musée Condé de Chantilly (inv. PE 447), dont le Musée de la Vie Romantique possède une seconde version non terminée. Il se ferme par deux fermoirs à clip en or flanquant le médaillon.
Conservé dans son écrin d'origine gainé de cuir rouge, portant le tampon "HANCOCK / 39. Bruton Street / Jewellers and Silversmiths / To the /
Principal sovereigns / of Europe". Au dos deux étiquettes manuscrites : « Amélie » (de la main de la Reine) et un numéro d'inventaire « 71 ».
Vers 1857-1866.
La monture attribuée à la Maison Hancock, Londres, sans poinçon apparent.
Médaillon : H. 4 x L. 3,5 cm.
Poids brut : 25,88 g.
Provenance
- Cadeau souvenir de la reine Marie-Amélie (1782-1866) à sa petite-nièce la princesse Amélie de Bourbon, Infante d'Espagne (1834-1905).
- Son fils le prince Alphonse de Bavière (1862-1933).
- Son épouse la princesse Louise d'Orléans (1869-1952).
- Puis par descendance à leurs enfants Joseph (1902-1990) et Elisabeth de Bavière (1913-2005).
- Vente Piasa, Drouot, 23 juin 2000, lot 53 (mal identifié).
- Collection privée européenne.
Oeuvre en rapport
Un autre exemplaire de ce portrait miniature, de plus petite taille (3 x 2,5 cm), est conservé au Musée Condé, Chantilly, reproduit dans le catalogue « Les miniatures du Musée Condé à Chantilly », éd. Samogy, 2007, cat. 133.
Historique
John Hancock fonde sa maison en 1849, à l'angle de Bruton Street et de Bond Street. Il fut le principal fournisseur de la reine Victoria et des cours européennes.
En exil, la reine Marie-Amélie s'adressait régulièrement à la maison Hancock pour ses commandes de présents, et surtout pour établir l'inventaire de ses bijoux en 1863.
On ne sait si ce bijou fut spécialement commandé par la Reine pour l'offrir à sa petite-nièce mais quoi qu'il en soit, ce bracelet est par excellence, un bijou de sentiments tel qu'on les concevait à l'époque romantique, comme durant tout le XIXe siècle, et destiné à un proche ; la présence de cheveux subtilement traités, y tient une présence prépondérante. L'extrême sobriété de ce bracelet laisse toute sa place à la qualité d'exécution du portrait qui précise bien les détails du vêtement de deuil de la Reine, y compris la broche marguerite très affectionnée par la Reine, en or et cristal de roche, renfermant au centre les cheveux du couple royal, et tout autour, de plus petits médaillons contenants ceux de ses enfants (collection particulière).
La présence de l'étiquette au dos ainsi que la provenance retrouvée de ce bracelet nous ont permis d'en retracer toute l'histoire. La première mise en vente de ce bijou est survenue le 23 juin 2000, chez Piasa à Drouot-Richelieu. On y apprend qu'il quittait les collections royales de Bavière ; en effet, le catalogue de la vente annonçait sous la rubrique « Souvenirs de la Famille royale d'Orléans » (pp. 37-38) : « Provenant de S.A.R., Madame la Princesse Alphonse de Bavière, née Princesse Louise d'Orléans ». Cependant, les renseignements y demeuraient très imprécis, voire erronés quant au lot 53 qui nous intéresse : l'identité du portrait du bracelet n'était pas identifié comme celui de la reine Marie-Amélie mais présenté comme celui de « Dona Amelia Filipina Pilar de Bourbon » !
Pour avoir fait partie de la collection de la princesse Louise d'Orléans, soeur du Duc de Vendôme, il pourrait être spontanément permis de penser que ce bijou provienne de l'écrin de Marie-Amélie, transmis ensuite à son fils le Duc de Nemours, puis par descendance, jusqu'à sa petite fille, Louise ; mais la précieuse étiquette manuscrite avec pour seule mention « Amélie », nous guida vers une autre paternité de provenance. Très probablement de la main de Marie-Amélie, qui avait méticuleusement attribué l'ensemble de ses bijoux et autres effets à ses proches (voir le testament de la Reine aux Archives de la Maison de France), cette inscription pouvait nous conduire sur deux Amélie :
- la première Amélie est sa petite-fille, Amélie de Saxe-Cobourg-Gotha (1848-1894), fille de la Princesse Clémentine (1817-1907) qui épouse Maximilien-Emmanuel de Bavière (1849-1893), dont la descendance est restée sans postérité.
- la seconde est l'Infante Amélie d'Espagne (1834-1905), née princesse Amélia Filipina de Bourbon le 12 octobre 1834 au Palais Royal de Madrid. Fille de l'Infant François-de-Paule, frère du Roi d'Espagne Ferdinand VII, et de Louise-Charlotte de Bourbon-Siciles, elle-même fille de François 1er des Deux-Siciles, le propre frère de Marie-Amélie de Bourbon-Siciles ; elle est donc petite-nièce de la Reine des Français et paraît être le bon récipiendaire du présent royal.
Nous savons que Louis-Philippe et Marie-Amélie avaient offert l'hospitalité à leur nièce Louise-Charlotte de Bourbon-Siciles et sa fille Amélie suite aux « brouilles » que Louise-Charlotte entretenait avec sa sœur Marie-Christine, Reine-Régente d'Espagne, durant la minorité de sa fille Isabelle Il, et que des liens d'affection s'étaient noués, dont ce bracelet souvenir en est le témoignage.
Amélie épousa Adalbert de Bavière (1828-1875), et décéda le 25 août 1905 au château de Nymphenbourg, Palais Royal de la Maison de Wittelsbach. De cette union, naîtront 5 enfants, dont le prince Alphonse de Bavière (1862-1933) qui épousa la princesse Louise d'Orléans, le 15 avril 1891.
Nous avons ainsi avec certitude la transmission précise du précieux cadeau royal, depuis l'Infante Amélie d'Espagne, princesse de Bavière, puis par descendance, à son fils Alphonse de Bavière, qui laisse à son décès en 1933 le bijou à son épouse Louise qui décéda à son tour en 1952, pour être ensuite dévolu aux deux héritiers de leur union, à savoir :
- Joseph de Bavière (1902-1990), sans descendance.
- Elisabeth de Bavière (1913-2005) qui épousa en première noce le comte Franz Joseph Kagereck (1915-1941), puis en seconde Ernst Kütner dont descendance.
La princesse Louise d'Orléans est la fille du Duc d'Alençon (1844-1910), lui-même fils du Duc de Nemours (1814-1896), elle est donc l'arrière-petite-fille de Louis-Philippe et Marie-Amélie. Mais elle est aussi au cœur de la Mitteleuropa, puisque sa mère fut Sophie de Wittlesbach, duchesse d'Alençon, brûlée vive dans l'incendie du bazar de la Charité à Paris en 1897. Elle est ainsi la nièce de la légendaire « Sissi », impératrice d'Autriche, et enfin la cousine de Louis II de Bavière.