- Stèle avec coin abîmé et déchirure collée.
- La féminité originelle -
Le Torse féminin, créé vers 1986, peut être considéré comme l'œuvre initiale de la véritable carrière artistique de Christine Dewerny, puisqu'elle a mis fin à son engagement en tant que plasticienne de théâtre cette année-là pour se consacrer entièrement à la sculpture. L'œuvre revêt donc un caractère programmatique, comme en témoigne le fait qu'elle ait été coulée en bronze en 1987. La patine bronze de la sculpture en terre cuite suggère qu'elle a été conçue dès le départ pour être réalisée en bronze, tout en étant une œuvre d'art unique en soi.
La fixation sur une stèle en pierre claire, dont la couleur est identique à celle de la figure à la patine sombre, met en valeur le torse en tant que fragment dépassé qui, placé dans un état de suspension, se présente en même temps comme une œuvre d'art complète. L'aspect fragmentaire de la sculpture lui confère un caractère archaïque. Toutefois, malgré une symétrie de fond, le torse semble extrêmement vivant, grâce à des asymétries telles que les épaules, les seins et les jambes qui rompent l'uniformité imposée par la vue frontale et donnent l'impression qu'il se déplace en le contournant.
L'effet de vivacité est renforcé par les fissures intentionnelles apparues lors de la cuisson. Elles confèrent au torse un vibrato visuel. En même temps, elles ressemblent à des traces de vieillesse, ce qui correspond à l'aspect fragmentaire et souligne le caractère archaïque de la figure. Cette originalité élève le torse au rang d'archétype représentant la féminité en tant que telle, pars pro toto. C'est pourquoi Dewery a créé un « torse masculin » qui lui fait pendant, trois ans après le torse féminin, en 1990. Considérées comme un symbole du corps féminin, les traces de brûlures apparaissent comme des cicatrices qui inscrivent une souffrance liée à l'expulsion du paradis dans le corps. Mais les traces sont aussi des traces de modelage qui maintiennent la force de la forme, ce qui renforce encore l'effet de vie, bien qu'il ne s'agisse que d'un torse. C'est de ce paradoxe entre relique fragmentaire et création vivante que se nourrit l'aura intense de l'œuvre picturale.
Sur l'artiste
Fille d'un maître accessoiriste de Leipzig, Christine Dewerny s'est intéressée à l'univers visuel du théâtre dès le berceau. Parallèlement à sa formation de décoratrice de théâtre à la Deutsche Staatsoper, elle a étudié à la Fachhochschule für Angewandte Kunst de Berlin, puis, de 1965 à 1968, à la Hochschule für Bildende Künste de Dresde, sous la direction de Walter Arnold et Otto Thielike, où elle a suivi des études de sculpture théâtrale. Elle a ainsi travaillé jusqu'en 1986 à la Volksbühne de Berlin et à l'Opéra Comique, où elle a collaboré avec des metteurs en scène tels que Walter Felsenstein, Götz Friedrich et Harry Kupfer.
À partir de 1986, elle se consacre entièrement à la sculpture. En 1987, elle est admise au sein de l'association des artistes plasticiens de la RDA, puis devient membre de l'association professionnelle des artistes plasticiens de Berlin. En 1994, elle a créé le groupe GEDOK Brandenburg, la plus ancienne association d'artistes féminines fondée en 1926.
L'œuvre de Christine Dewerny a été présentée lors de nombreuses expositions individuelles. Ses bustes-portraits sont notamment présents dans l'espace public, comme ceux de Siegfried Matthus (2007, Rheinsberg), Götz Friedrich (2008, Berlin), Hanns Eisler (2010, Berlin), Käthe Kollwitz (2013, Berlin), le masque de Médée en hommage à Christa Wolf (2016, Berlin) et Helmut Kohl (2018, Berlin).